Quelques pionniers ont importé en France les techniques modernes de pêche de la carpe, que l’on a découvert sous la plume d’Henri Limouzin dans les colonnes de ce magazine, il y a plus de trente ans ! Beaucoup s’y sont mis, mais beaucoup s’en sont aussi détournés pensant qu’il fallait y consacrer énormément de temps, partir en session jours et nuits avec une tonne de matériel coûteux, pêcher avec des montages alambiqués et des cheveux coupés en quatre eschés de bouillettes philosophales.
Le montage de fuite
Dommage, car on peut la pêcher avec des techniques et des appâts simples, en calant une canne sur le côté pendant qu’on pêche au coup, au feeder, voire au vif. Pourquoi s’en priver, d’autant que vous avez presque tout ce qu’il faut pour vous y mettre, ou remettre ! Si la carpe se nourrit principalement sur le fond, elle n’est pas dogmatique, elle mange aussi entre deux eaux, en surface et à peu près tout ce qui se présente. Parlons donc de sa pêche la plus simple et la plus efficace, celle au posé avec un montage de fuite. Dans la plupart des autres pêches, on ferre à la touche, alors que là il n’y a presque rien à faire… La carpe glane les appâts, finit par tomber sur l’esche, bouge de quelques centimètres et tend le bas de ligne sur un plomb fixe. Si votre montage est bien fait, l’hameçon se pique dans la lèvre inférieure, le poisson tente instinctivement de s’en débarrasser et, s’il n’y arrive pas, s’enfuit. L’hameçon s’ancre alors avec l’inertie du plomb, du frein du moulinet qui se met à chanter. Le combat peut commencer !
Le bas de ligne
Il vaut mieux qu’il soit trop court que trop long, disons une vingtaine de centimètres. Trop court, l’esche ne se comporte pas de manière naturelle, si tant est qu’une bouillette le soit, et trop long la carpe aurait toute la liberté de la relâcher sans se piquer. Pour sa réalisation, vous avez le choix entre une palette de matériaux, des tresses plus ou moins souples aux fluorocarbones les plus rigides, en passant par le Nylon. Si le bas de ligne est trop souple, il peut s’emmêler au lancer, s’il est trop raide la carpe peut avoir du mal à aspirer l’esche. Ce qui compte, c’est d’avoir une résistance progressive, disons 20 lbs en bas de ligne et 25 lbs ou plus en corps de ligne.
L'hameçon
Il y a de quoi se perdre dans les formes. L’essentiel est qu’il soit piquant, pour la phase de « prépiquage », juste avant la fuite, solide et que votre nœud soit bien réalisé! J’entends par là que le bas de ligne ressorte par le dessous de l’œillet. La plupart des hameçons à carpe ont un œillet coudé vers l’intérieur pour qu’il pivote la pointe sur la lèvre inférieure quand la carpe tend le bas de ligne. Sachez qu’il existe des bas de ligne prêts à pêcher chez votre détaillant, il ne restera qu’à y accrocher une bouillette ou une graine. Pour la taille de l’hameçon, adaptez-la à celle de l’esche. J’utilise des n° 2 dans 95 % de mes pêches, pour des bouillettes de 14 à 20 mm de diamètre.
La plombée
Sauf à utiliser des hameçons ultra-piquants, qui par ailleurs s’émoussent vite, je ne descends que rarement en dessous de 90 g de plombée. Outre le fait d’être nécessaire pour lancer et tenir dans le courant, le plomb assure l’inertie afin que le poisson se pique. Si vous avez des tirées sans suite, pensez-y et augmentez le grammage. On reviendra sur la forme des plombs une autre fois, c’est intéressant mais pas capital, en revanche parlons rapidement des deux types de plombs. Ils sont soit « in line », c’est-à-dire enfilés sur le corps de ligne, soit montés en dérivation sur un clip plomb. Les deux fonctionnent très bien, pourvu que l’émerillon relié au bas de ligne rentre en force dans le plomb ou dans le clip, pour pêcher plomb fixe.
Le corps de ligne
La tresse est souvent choisie en corps de ligne pour sa résistance linéaire et son absence d’élasticité. Mais attention, elle peut s’avérer contre-productive et donner un sentiment de toute-puissance. Elle occasionne par exemple plus de décrochages lorsqu’on n’a pas l’habitude. Vous pouvez être tentés de prendre des risques en pêchant trop près des obstacles (arbres noyés, etc.) et perdre ainsi beaucoup de poissons, ou encore avoir l’envie de remplir vos moulinets d’une très grande longueur de tresse pour aller déposer très (trop) loin en bateau. Autant de points qui justifient souvent l’interdiction de la tresse dans les plans d’eaux privés. Si vous débutez, je vous conseille le nylon. Il en existe de très bons, à des tarifs sans commune mesure avec la tresse. Personnellement j’ai les deux: de la tresse pour pêcher les lacs de barrage et du Nylon pour la rivière, qui a aussi l’avantage d’avoir moins de prise dans le courant. Comme je pêche souvent à courte distance, je ne finasse pas et prends du 35 ou 40/100.
La tête de ligne
Cette partie intermédiaire entre le corps de ligne et le bas de ligne a plusieurs utilités. Tout d’abord plaquer le dernier mètre contre le fond afin que les poissons ne viennent pas taper dans le fil, au risque de déserter la zone. Je vous conseille aussi de détendre un peu vos lignes pour limiter les vibrations. Les autres avantages d’une tête de ligne sont de protéger la partie terminale qui frotte sur le fond et enfin, de ne pas écailler les poissons pendant le combat. Ma préférence va nettement aux gaines en tungstène que je coupe à environ 60 cm de long et dans lesquelles passe le corps de ligne. Il ne reste plus qu’à mettre une bouillette ou une graine sur le cheveu, ce que nous verrons dans un prochain article !