Où pêcher la truite arc-en-ciel sur l'île de la Réunion

Autant vous prévenir tout de suite, la pêche sur l’île de la Réunion demande une bonne condition physique. Il faut marcher, grimper, se repérer, être attentif à la météo… Mais le jeu en vaut la chandelle et on n’est pas si dépaysé : les décors sont ceux des Alpes, la carte de pêche est la même qu’en métropole. Sauf que les truites qui habitent les eaux de 1re catégorie sont des truites arc-en-ciel, introduites dans les années 1940 par l’Administration des eaux et forêts (aujourd’hui l’Office national des forêts). Le poisson y a trouvé toutes les conditions pour se reproduire et survivre : une eau fraîche, une excellente granulométrie, une faible luminosité dans les parties sous-boisées, pas de prédation, des insectes et aucune compétition alimentaire avec d’autres espèces.

De très grosses truites

Dans certains endroits très reculés de l’île, comme dans la vallée de Takamaka, des truites sauvages de 60 cm auraient déjà été pêchées… Mais ce site est très difficile d’accès, il nécessite des notions d’alpinisme, un guide et du matériel adéquat. C’est l’un des endroits les plus arrosés au monde, il y tombe 6 à 7 m d’eau par an. Il y a heureusement plus facile ! Des gros sujets, il y en a au sud de l’île sur le parcours no-kill qui passe au pied du siège de la fédération de pêche de la Réunion. Nous sommes sur la rivière Langevin, l’une des plus belles et des plus accessibles. La Route de la Passerelle longe la rive gauche, parfaitement entretenue, avec des tables de pique-nique et des places de parking. En contrepartie, c’est noir de monde pendant les week-ends et les vacances estivales… Les truites sont issues de lâchers réguliers, elles s’acclimatent très vite au milieu et n’ont strictement rien de poissons de piscicultures. Elles atteignent de belles tailles et livrent de gros combats. On les pêche à la mouche, au toc ou aux leurres.

Dans la cascade

Direction ensuite « les Hauts », qui désignent simplement sur toute l’île les zones éloignées du littoral. La rivière passe en 1re catégorie. Hot-spot des photographes, la cascade Langevin, à Grand Galet: elle est composée de multiples petites cascades, résurgences de la rivière. De grosses truites habitent le bassin. Il faut pêcher ici très tôt le matin : ensuite, les baigneurs et les adeptes du canyoning empêcheront le moindre lancer. Il y a une sorte d’accord tacite avec les autres loisirs pour qu’ils commencent leurs activités à 9 heures… Ce n’est pas toujours respecté. Cuillers et poissons-nageurs sont les meilleures armes dans cet endroit très « instagrammable ».

Cap Blanc

La partie amont de la rivière Langevin est bien plus intéressante. Il faut abandonner la voiture le plus loin possible à Grand Galet, sur le sentier de Cap Blanc qui se termine en cul-de-sac. Il faut ensuite compter 45 minutes de marche à travers des cultures, puis les sous-bois. Ça grimpe, ça glisse, c’est étroit, et on débouche dans un mini-cirque à 700 m d’altitude. Voici le lieu-dit Cap Blanc. L’eau est transparente, la rivière est gérée ici de façon patrimoniale. Les truites sont presque surdensitaires et faciles à prendre. Elles se pêchent plutôt à la mouche, soit en sèche, flottaison haute (sedges en poils de chèvres), soit en nymphe ou en noyée. Il faut insister sur chaque mini-cascade, dans le courant. Préférez une canne de 7-8 pieds avec une action rapide, une soie de 3 ou 4, et des mouches montées sur des hameçons de 14 à 16. On peut remonter la rivière par le sentier côté gauche sur deux kilomètres environ, jusqu’à de gros rochers qui marquent l’entrée du canyon. Au retour, les plus aventuriers (descente dangereuse sur un sentier presque invisible taillé dans la roche) peuvent accéder à la cascade La Fouillée, pour y pêcher aux leurres et s’y baigner… Ça vaut le détour, si on a bon pied.

Salazie, quel cirque !

L’île de la Réunion est aussi connue pour ses trois cirques mythiques en son centre : Cilaos, Mafate et Salazie, des amphithéâtres naturels issus d’anciens volcans effondrés. Le premier est très braconné. Dans le deuxième coule la rivière des Galets. Les spots de pêche entre les îlets (villages) de Marla et de la Nouvelle sont magnifiques, mais difficilement accessibles : par hélicoptère ou à pied (deux heures de marche minimum). On conseillera plutôt le troisième cirque et les magnifiques villages créoles authentiques de Salazie, Hell-Bourg et Trois-Îlets. Vous pourrez d’abord pêcher la rivière des Fleurs Jaunes au niveau du pont de la D52. Avec le massif du Piton des Neiges en arrière-plan et ses eaux vives, l’endroit est beau et régulièrement empoissonné. Pour trouver des sauvages, il faut compter une bonne heure de marche vers l’amont, en suivant le lit de la rivière. Le meilleur spot est plus loin : il faut se garer au bout du chemin Camp Pierrot, qui démarre à la sortie des Trois-Îlets, puis traverser à pied les champs d’un maraîcher, monter une allée d’herbes et de pierres et redescendre par un sentier. Le spot à 1000 m d’altitude est petit mais joli et peu fréquenté.

La rivière du Mât

Sur Salazie toujours, la rivière du Mât abrite elle aussi quelques truites. Encore une fois, il faut un bon GPS: rouler jusqu’au cul-de-sac du chemin de Bras Marron à l’îlet à Vidot, point de départ de plusieurs randonnées. Puis, il faut descendre à pied un chemin assez facile, puis, franchir une passerelle au-dessus de la rivière sans avoir le vertige. Déplacez-vous vers l’aval ou vers l’amont pour trouver les truites moins pêchées. Avant la passerelle, à 710 m d’altitude, un petit chemin caché, abrupt, mène à de meilleurs spots. On pratique ici plutôt à la cuiller ou au toc. La rivière du Mât est plus intéressante et bien plus facile en 2e catégorie, près du littoral donc. À Saint-André, il faut se garer au bout du chemin Jeanson. Puis on trace tout droit vers la rivière. On traverse le petit bras, pour pêcher le lit principal. Des poissons plats sont à faire soit dans le courant, soit dans les calmes, selon leur humeur. Et on peut descendre à pied jusqu’à l’estuaire, distant de 2 km environ. Le poisson plat est un superbe combattant, une sorte de « jungle perch », sauvage et nerveux. Il a un rapport taille/puissance très intéressant. On le pêche à la cuiller (tailles 00 à 1) ou à la mouche : en nymphe dans les têtes de courant ou en sèche, mais il faut être vif au ferrage. C’est un poisson malin, il faut être très discret. Le Bras de la Plaine, affluent de la rivière Saint-Étienne, est un spot formidable pour les poissons plats. La promenade est assez facile : le sentier en zigzag part d’Entre-Deux, suivre le panneau « Le Fond de la Rivière ». En bas, on peut ensuite remonter sur une douzaine de kilomètres, jusqu’au barrage EDF, à condition que la météo soit au beau fixe car les canyons peuvent s’avérer un piège sans issue en quelques minutes si l’eau vient à monter… Il est plus prudent de se limiter à marcher dans la rivière pendant une heure ou deux en profitant aussi du paysage (arche naturelle, roches volcaniques, grottes, orgues basaltiques…).

L'étang de Saint-Paul

On terminera cette visite de la Réunion par la réserve de l’étang de Saint-Paul, sur la côte ouest. La végétation aquatique ne rend pas toujours la pêche facile. Ici, c’est plutôt pêche au coup à la grande canne. Tilapias, poissons plats et chittes cohabitent avec des espèces plus exotiques : cabots, guapotes, plécos, nigros… on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Mais les cocotiers et l’ancien pont offrent une jolie carte postale !