Suivi thermique des rivières : un enjeu devenu national

Ce dossier s’inscrit dans la volonté d’un projet plus global souhaité par la FNPF : la création d’un Observatoire National des Milieux Naturels. « Cet observatoire permettrait notamment d’assurer un suivi des écoulements, de la thermie, de la biodiversité et pourquoi pas des aspects sanitaires », détaillait l’instance nationale en marge de son dernier Congrès du 19 juin à Paris. « On va y aller étape par étape, précise le directeur de la FNPF, Hamid Oumoussa. Mais pour la thermie, dès la rentrée, un groupe de travail va se réunir avec l’OFB et l’Etat pour définir comment collecter les données. C’est une donnée essentielle et je veux qu’elle soit accessible aux professionnels comme au grand public, à l’image de la météo des sols par exemple qu’on voit aujourd’hui à la télévision ». En attendant, les fédérations départementales de pêche ont déjà bien avancé sur la surveillance de la température des cours d’eau. « La thermie, ce n’est pas une nouveauté pour nos structures, beaucoup l’avaient anticipé, surtout celles qui ont des rivières de 1re catégorie, détaille Jérôme Guillouet, le responsable du service technique à la FNPF. Nous aidons de notre côté à financer l’achat de matériel et la mise en place des études ».

Fédérer

Aujourd’hui, d’autres organismes effectuent des mesures de température (OFB, EDF, agences de l’eau…). L’idée de la FNPF est donc de régler « le flou de la gestion des données » et de rassembler les résultats « dans un pot commun ». Dans le Jura, par exemple, « la fédération a installé une petite centaine de sondes, mais il y en a environ 300 à l’échelle du département », abonde Jean-Baptiste Fagot, ingénieur hydrobiologiste de la fédération de pêche locale. Depuis 2016 déjà, cette dernière centralise les collectes au niveau départemental, et même régional. Elle vérifie et valide les données des sondes posées par les partenaires. Une mutualisation bénéfique à tout le monde et un moyen de peser dans certaines décisions des autorités publiques, dans ce contexte de réchauffement climatique (travaux, barrages…).

+2°C dans l'Allier

Et d’ailleurs, que disent ces relevés ? Nous avons sollicité la fédération de pêche de l’Allier, l’une des organisations pilotes dans le suivi thermique, pour avoir des résultats concrets (voir les résultats publiés chaque année). À la tête d’une vingtaine de stations de contrôle en 2013, elle dénombre aujourd’hui 46 sondes déployées sur son territoire. La fédération note une augmentation de la température des cours d’eau, autour de 2°C en moyenne. Les conditions sont de moins en moins favorables à la reproduction. « Attention, d’autres facteurs entrent en compte, comme l’hydrologie. Il pleut de moins en moins, prévient Mickael Lelièvre, directeur de la fédération bourbonnaise. Mais clairement, on constate une forte diminution de la truite fario sur le département, notamment sur les rivières de plaine. » Concrètement, on observe déjà les conséquences du changement climatique et les impacts sont flagrants sur les espèces sténothermes, celles qui ne supportent pas de fortes variations de températures, comme la truite fario. La fédération a même travaillé spécifiquement sur la Sioule, en 2021 et en 2022, avec la pose de 63 sondes sur les 51 km de rivière où sont recensés 17 seuils.

Continuité, ripisylve…

« Les résultats sont édifiants, soupire le directeur. Sur les secteurs en amont des retenues, le réchauffement des portions de rivière est deux à trois fois plus important que sur les parties où l’eau s’écoule librement. D’où l’importance de la continuité écologique. Si on supprimait les retenues, les truites gagneraient facilement 20 km de secteurs favorables ! » Pour faire baisser la température, d’autres solutions existent : par exemple, augmenter la ripisylve avec la présence d’arbres sur les rives, et donc d’ombre pour les poissons. « Il faut aussi travailler sur les connexions des annexes hydrauliques ou encore sur la qualité de l’eau, car un poisson moins stressé par ce facteur peut supporter des températures plus importantes, précise Mickael Lelièvre. Et on peut axer nos efforts sur les zones refuges des poissons, notamment les résurgences et les sources, qui apportent de l’eau fraîche, ou sur les zones critiques. » Si vous tombez un jour sur une sonde au bord de l’eau, laissez-la en place. Elle permettra sans doute de sauver des poissons !