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Merveilleux salmonidés : les phénomènes migratoires

C’est en mer que ce chum est allé compenser la relative pauvreté de sa rivière natale. 

Crédit photo Marc Delacoste
On sait que le saumon est le migrateur emblématique, capable de parcourir des milliers de kilomètres entre la rivière qui l’a vu naître et la mer dans le seul but de boucler son cycle biologique. Il n’est bien sûr par le seul. Mais quels sont les intérêts de ces migrations dites anadromes ?

Lorsque l’on parle de salmonidés migrateurs, on pense immédiatement au saumon atlantique (Salmo salar), capable de voyages de plusieurs milliers de kilomètres depuis la rivière qui l’a vu naître jusqu’à ses zones de croissance océaniques. Mais d’autres salmonidés migrent sur de longues distances pour partir en mer à la recherche de conditions de croissance très favorables. C’est le cas des différents saumons du Pacifique (les Oncorhynchus), mais aussi de la truite de mer, qui nous est un peu plus familière. Cette dernière a longtemps été considérée comme une sous-espèce de truite, distincte de la truite fario et de la truite de lac. Ce n’est plus le cas, les scientifiques estimant désormais que truites de mer, de lac et fario sont trois formes d’une même espèce, la truite commune (Salmo trutta).

Au Québec, certains ombles de fontaine migrent, d’autres non. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Les deux formes

D’autres salmonidés possèdent également des écotypes sédentaire ou migrateur, comme la truite arc-en-ciel dans sa forme migratrice (la célèbre steelhead) ou l’omble chevalier (Salvelinus alpinus) et l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis), qui développent les deux formes écologiques dans les rivières coulant sous les latitudes septentrionales. Au Québec, par exemple, on parle de truite mouchetée et de truite de mer pour désigner l’omble de fontaine sédentaire et sa version migratrice anadrome. Plus au nord, au Labrador, ou en Islande, on trouve des ombles chevaliers sédentaires, accomplissant tout leur cycle en eau douce, et d’autres qui migrent en mer à la fonte des glaces et remontent en rivière pour y pondre ou simplement passer l’hiver, leur tolérance à la salinité étant mauvaise par très basse température. Ici aussi, après avoir vu dans ces formes sédentaires ou migratrices des sous-espèces, il est maintenant d’usage de les apprécier comme des écotypes d’une même espèce. En effet, leurs descendants ne se comportent pas strictement comme leurs parents. Certains descendants de migrateurs restent sédentaires et, à l’inverse, migrent des poissons nés de parents n’ayant jamais bougé ! On peut considérer que le comportement migratoire est toujours présent chez eux, mais que certains individus l’expriment et d’autres non.

Cet omble arctique islandais n’est en fait qu’un omble chevalier ayant adopté une stratégie migratoire. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Deux stratégies

Il semble que ces phénomènes soient sous le contrôle d’une combinaison de facteurs liés à l’individu lui-même (taille et vitesse de croissance, par exemple) et à son environnement immédiat (compétition et abondance de nourriture). En fonction de cette combinaison, les poissons migrent en mer ou restent en eau douce. Au-delà de ces mécanismes, il est intéressant de s’interroger sur leurs conséquences. Pourquoi migrer ou rester tranquillement dans sa rivière ? Il s’agit en fait de deux stratégies mises en place afin d’accomplir le but ultime de chaque espèce vivante : se maintenir, si possible se développer, et tenter d’accroître son aire de présence.

Sous les hautes latitudes, les rivières sont souvent pauvres et les poissons ont tout intérêt à gagner l’océan.
Crédit photo : Marc Delacoste

Des plus, des moins

Les stratégies migratoires et sédentaires présentent chacune des avantages et des inconvénients. Un individu qui adopte une stratégie migratoire anadrome trouve en mer des conditions de croissance bien plus favorables que dans sa rivière natale (richesse en proies, températures plus tamponnées). Il grandit donc plus rapidement. À âge égal, un individu migrateur peut peser de cinq à dix fois plus qu’un individu resté sédentaire. Au moment de la reproduction, c’est un avantage important : le nombre d’œuf des femelles est en effet fonction de leur poids. Une truite de 200g pond 400 œufs, alors qu’une de 1000g en pond 2000. Ils seront en outre souvent plus gros et contiendront plus de réserves, offrant un avantage aux alevins à naître. Chez les mâles, être gros permet d’être dominant au moment de la reproduction et ainsi d’avoir accès aux meilleures femelles, les plus grosses. Chaque individu tente en fait de maximiser sa descendance, déclinaison individuelle de la stratégie collective de l’espèce.

La truite de mer, qui a longtemps été classée en tant que sous-espèce, est désormais perçue comme l’une des trois formes écologiques de la truite commune
Crédit photo : Marc Delacoste

Un pari risqué

Mais migrer comporte aussi des risques : le long voyage vers les secteurs de forte croissance, puis le retour vers la zone de reproduction sont coûteux en énergie. Et ils impliquent surtout d’affronter bien des dangers qui augmentent fortement la mortalité. De sorte que si ceux qui en reviennent possèdent un indéniable avantage sur les sédentaires, ils sont en revanche moins nombreux à l’arrivée qu’au départ. La stratégie migratoire est donc une sorte de pari : prendre plus de risques mais revenir plus gros et plus fort si on survit, ou rester tranquillement en eau douce, avec d’assez bonnes conditions de survie, mais pondre moins d’œufs et avoir moins de descendants. Ce ne sont bien sûr pas les poissons qui « choisissent », c’est évidemment la nature qui le fait à leur place, en réprimant ou au contraire en laissant s’exprimer les gènes qu’ils portent selon les conditions environnementales. Et si, sur le long terme, une stratégie s’avère significativement plus bénéfique qu’une autre, elle sera sélectionnée et influencera fortement les individus qui seront alors majoritairement migrateurs ou sédentaires. C’est ce qui explique que non seulement chaque espèce montre différents degrés d’anadromie, mais qu’au sein d’une même espèce, cette attitude peut être plus ou moins développée selon les populations. En outre, ces deux stratégies peuvent être considérées comme complémentaires, en permettant à l’espèce qui les met en œuvre de mieux s’adapter sur la durée. En effet, l’environnement n’est pas figé dans le temps et la stratégie adoptée doit s’interpréter sur le très long terme. Ainsi, au fil des siècles et des millénaires, les conditions environnementales peuvent changer de manière significative. C’est alors tantôt une attitude, tantôt une autre qui se révèle plus performante. Au final, l’espèce sort plutôt gagnante de pouvoir développer ces deux possibilités.

Un saumon comme ce très beau coho n’aurait jamais atteint cette taille s’il n’avait pas délaissé un jour sa rivière natale. 
Crédit photo : Marc Delacoste

De faux sédentaires

Enfin, le terme sédentaire qualifiant les salmonidés ne migrant pas en mer doit être pris avec précaution, cet adjectif n’étant utilisé ici que par opposition à l’anadromie. Les sédentaires le restent en effet assez rarement, effectuant eux aussi de nombreux déplacements. La truite fario en est un excellent exemple, ce que nous verrons dans un prochain article...

Si la grande majorité des tacons, les jeunes saumons, descendent naturellement vers la mer, certains ne quittent pas leur eau douce et peuvent même parfois parvenir à s’y reproduire
Crédit photo : Marc Delacoste

Non migrateurs

Certains saumons atlantiques (mâles uniquement) ne migrent jamais et réussissent leur maturation en rivière. Ils sont un peu désavantagés au moment de la reproduction car ils ne sont pas très grands (16 à 20cm) et ne pèsent pas bien lourd face à un grand mâle âgé de deux hivers de mer, pesant 4 à 7kg et défendant jalousement sa femelle. Mais ces petits mâles très discrets parviennent à se faufiler pour envoyer un petit peu de laitance vers quelques œufs. Une part est alors fécondée et ces petits sédentaires parviennent ainsi à transmettre leurs gènes.

 

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Biologie - Environnement

Magazine n°927 - Août 2022

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