Les salmonidés misent sur ce que l’on appelle le camouflage par homochromie, un mode de dissimulation très répandu chez les poissons. Il concerne principalement la couleur de l’animal, en lui permettant de s’harmoniser et se confondre parfaitement avec l’environnement qu’il occupe. Dans le milieu aquatique, la couleur est un caractère qui, au sein d’une même espèce, peut évoluer assez rapidement dans le temps, contrairement à d’autres qui nécessitent d’avoir plusieurs millions d’années de mutation. Mais l’homochromie n’est pas un unique dispositif de camouflage : le simple fait qu’une couleur fixe soit attribuée à un individu ne suffit pas face à la multitude de faciès imposés par les différents milieux aquatiques, qui oblige les truites à avoir une livrée qui évolue et s’adapte à leur guise. Elles n’ont en fait rien à envier au fameux caméléon puisqu’elles disposent de la même arme mimétique : les chromatophores, qui offrent à la truite une capacité à changer de couleur afin de se fondre au mieux dans l’habitat qu’elles fréquentent à l’instant T.
Pigments
Ces cellules pigmentaires sont parfois bien visibles à l’œil nu. Il en existe de plusieurs sortes. Les lipophores sont la variété de chromatophores la plus représentée dans la peau de notre salmonidé. Ils sont localisés sur la première couche du derme. Ce sont eux qui sont responsables en grande partie de la couleur de la peau du poisson. Ils sont de nature très élastique et dépendent de l’activité musculaire environnante. À l’intérieur de ces cellules, on distingue deux types de pigments : des nuances de jaune, d’une part, et de rouge-orangé d’autre part. Ainsi, lors de la contraction, les lipophores se rétractent avec tout le pigment qu’ils contiennent. C’est le processus inverse qui s’opère lors de la décontraction. En dessous de cette couche sont regroupés les iridophores et les leucophores. Ces deux cellules sont très similaires. Leur rôle premier est de réfléchir la lumière pour générer un aspect iridescent et métallique. Les couleurs renvoyées seront des nuances de bleu et de vert qui dépendront de l’orientation des cellules, également grâce à un jeu de contraction. Puis, il y a l’ultime couche où se concentrent les mélanophores qui, eux, contiennent un pigment noir-marron. Cette catégorie dispose d’un fort pouvoir de dispersion à travers le derme grâce à un réseau de canaux. Ces cellules sont ainsi capables de recouvrir si besoin les autres variétés de chromatophores.
La vue guide le camouflage
On se rend ainsi compte que la peau de la truite est incroyablement complexe : chaque petite cellule presque indépendante et autonome joue un rôle majeur. Leur interaction est la clé du camouflage par homochromie. Pour gérer efficacement ces changements de couleurs parfois rapides, le poisson a besoin d’avoir les repères spatiaux nécessaires. La vue est donc le sens qui guide la qualité du camouflage. Grâce à ce sens, il n’aura aucun souci pour disposer des informations nécessaires sur la nature du fond, la couleur de l’eau, la luminosité ambiante… Il pourra ainsi analyser et calquer ce qu’il voit autour de lui. Nous venons là de résoudre le mystère de la fameuse « truite noire » jugée par de nombreux pêcheurs comme plus sauvage que les autres à cause de sa couleur très foncée. Mais notre salmonidé ne l’est pas plus que sa voisine de secteur qui arbore une livrée claire et bien plus sobre… C’est juste qu’au moment de sa prise, cette truite était sur un poste obscur, comme dans sa cache. Laissez la dix minutes sur un fond clair : elle aura retrouvé une autre nuance et sera devenue méconnaissable.