Pour beaucoup d’entre nous, les eaux vives sont synonymes d’une pêche avec des mouches d’ensemble plus ou moins grosses et souvent plus incitatives qu’imitatives. Cela peut être en effet le cas mais, certains jours, nos zébrées ne jurent que par des imitations proches des invertébrés présents dans la rivière à l’instant T. Parlons d’Ecdyonurus venosus femelle, celle-ci est généralement de grande taille par rapport à ses confrères et à son mâle. Au stade imago, elle possède deux cerques, contrairement au stade larvaire ou on en compte trois. Dévoilant un apport protéique plus important que celui des mâles, les truites s’y intéressent de près et n’hésitent pas à venir les cueillir en surface durant les belles éclosions printanières. La famille des heptagéniidés, quant à elle, comprend les Ecdyonurus mais également plusieurs centaines d’autres espèces d’éphémères d’eaux courantes. Nous les distinguons grâce à leur forme courte, large et aplatie qui leur permet de faire face aux puissants courants. De gros yeux occupent une grande partie de la tête, et les extrémités de leurs pattes logent des griffes avec lesquelles elles peuvent s’agripper au substrat. En tant que bio-indicateur, leur présence témoigne d’une belle qualité d’eau.
Des matériaux adaptés
S’il y a un point à retenir pour rendre la pêche en sèche en eaux rapides plus agréable c’est bien l’importance de la flottaison et de la visibilité. Pour notre Ecdyonurus, commençons par l’hameçon. Ce dernier doit être droit, fin de fer pour un poids réduit, et très piquant pour pallier des gobages éclairs. La soie de montage idéale reste pour moi la JMC Nano silk 12/0, car elle offre un rapport finesse-résistance inégalé en fly tying. Coté cerques, les fibres de Magic tail fournissent une touche de réalisme supplémentaire tout en étant résistantes dans le temps. En figurant l’abdomen avec une fibre de substitut de condor, on privilégie la légèreté et l’imperméabilité face aux divers dubbings qui ont tous plus ou moins tendance à faire office d’éponge. Ce détail est fondamental sur ce genre d’imitation qui doit rester parfaitement droite sur l’eau sans « piquer de l’arrière ». Le dubbing de castor offre au thorax ses qualités hydrophobes. Sa texture autorise un enroulement au doigt sans forcément ajouter de la matière collante. Cette partie du corps ne doit pas être trop épaisse, de manière à laisser la base des poils de chevreuil épouser sa forme. Sur ce modèle, les fibres de cul de canard blanc servent avant tout de repère visuel.
La nymphe
Elle imite de près ou de loin les heptagéniidés. L’hameçon employé dispose d’un profil identique à celui cité précédemment, mais sa taille est inférieure (généralement 14 ou 16). Une bille fendue en tungstène figure la tête. L’abdomen est matérialisé par une bandelette de Syntiquill autocollante (ou Substiquill) beige et marron JMC. Ce matériau plastique offre un gain de temps non négligeable au montage, car il laisse apparaître le cerclage du corps de la larve. Le thorax est également en dubbing de castor mais d’un coloris olive se rapprochant des couleurs retrouvées sur ces insectes à l’état larvaire. Je prélève donc quelques fibres d’une plume de faisan que je fixe de chaque côté du thorax de la manière la plus symétrique possible. Je termine à nouveau par une mèche de dubbing enroulée suivie de deux nœuds demi-clé derrière la bille. On distingue ici deux gros avantages à employer une bille fendue. Le premier est qu’elle peut se désaxer à l’aide du pouce et se bloquer en position haute. De cette façon, on augmente l’ouverture de la hampe, ce qui limite les décrochés et permet l’utilisation de « grosses » billes sur des « petits » hameçons. Le second est sa densité supérieure à une bille classique, à diamètre égal.
À quelles périodes de l'année ?
C’est généralement à partir du mois de mai que notre éphémère se fait remarquer. On observera donc de beaux rassemblements qui pourront s’étendre jusqu’à la fin de l’été. Ecdyonurus se laissera alors porter par les flots, à la merci des truites. Sous la surface en revanche, les larves d’éphémères sont présentes toute la saison et permettent un usage plus régulier de notre imitation de mars à la fermeture.
Les postes appropriés
Amateurs d’une eau bien oxygénée, ces insectes apprécient les zones de cailloux peu profondes aux courants vifs. L’altitude ne semble pas les déranger puisque nous les retrouvons régulièrement sur des têtes de bassins entre 1500 et 2000 m. C’est alors à l’aval des blocs rocheux, sur les grandes bordures peu profondes, les veines principales de faibles profondeurs ou encore « au moins rapide des secteurs les plus rapides » que nous présenterons notre mouche. Dans la couche d’eau, notre nymphe d’heptagéniidés peut sensiblement s’utiliser sur les mêmes postes tout en ayant un panel d’utilisations plus large. Élaborée sur un hameçon droit, elle n’est pas destinée à dériver près du fond comme un jig. Personnellement, j’ai tendance à m’en servir sous une sèche montée en potence ou encore en direct sous une mouche très flottante. Seule ou accompagnée d’une seconde nymphe, elle fera parfaitement l’affaire lors d’une partie de pêche au fil plaqué (voir article publié dans Pêche mouche n°149).
Matériellement parlant
Même si, ici, la notion de matériel idéal pour pêcher en sèche est subjective, je conseillerai à un débutant un ensemble en 10 pieds soie de 5 d’action semi-rapide pour disposer d’un long bras de levier et d’un chargement rapide de la canne lors des lancers. Pêcher des zones relativement lisses peut tout à fait justifier l’emploi d’une canne de 9 pieds pour soie de 3/4. De mon côté, je monte une soie de 4 WF sur un moulinet semi-automatique et une canne de 10 pieds, mais il est possible d’avoir recours à des profils à fuseaux décentrés en cas de pêches fines pour un gain de discrétion au poser. Enfin, nous favorisons l’usage de bas de lignes dégressifs et rapides. La seconde possibilité est d’avoir recours à une classique « queue-de-rat » de 3,60 m qui jouera parfaitement son rôle, notamment si on démarre la pêche à la mouche.