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Bien pêcher les têtes de bassins

C’est au moment de l’étiage que la pêche se complique. La clarté de l’eau, la forte luminosité et les niveaux bas obligent le pêcheur à jouer de finesse et de discrétion s’il souhaite se démarquer

Crédit photo Bernard Galliano
Dame Nature s’est désormais éveillée et nous laisse respirer à pleins poumons ses agréables effluves printaniers. Côté physique, nos pérégrinations halieutiques de début de saison ont bien rodé nos quadriceps. Elles nous permettent maintenant de pousser un peu plus loin nos limites jusqu’aux parcours les moins accessibles. Il s’agit de ceux aux eaux pures et sauvages, nichés au plus profond des vallées, ceux des têtes de bassins…

L’ accès à la plupart de ces parcours se mérite. Je dirais même, dans certains cas, que les gouttes de sueur laissées en chemin sont toujours plus nombreuses que nos prises. Mais une fois ce Graal atteint, nous nous retrouvons comme plongés dans une période qui semble révolue, sans artifices, rythmée uniquement par les bruits de l’eau et de la faune locale. De temps en temps, les paysages environnants nous font oublier la canne à pêche pour laisser place à l’appareil photo. C’est là que nous immortalisons un face à face avec une marmotte, un vol de vautours ou encore le regard agressif d’un grand cerf. C’est cette fusion avec la nature que nous allons chercher en nous orientant vers ces petits milieux. Nous y découvrons une pêche accessible à tous malgré le facteur « condition physique » qui peut être limitant. Le niveau de pêche ne doit pas nécessairement être élevé pour en tirer le meilleur profit. Nous pratiquons une pêche trois quarts amont ou plein amont, souvent courte et techniquement simple où nul n’a besoin d’être un lanceur hors pair pour se faire plaisir et toucher des poissons. D’une souche autochtone génétiquement pure et âgée de plusieurs milliers d’années, ces derniers y sont généralement nombreux mais de taille petite à moyenne. Malgré tout, vous n’êtes pas à l’abri qu’une « mémère » de plus de 30 cm prenne votre artificiel, mais est-ce vraiment important ici ? Vous ne croiserez que très peu de monde sur ces parcours, mais les bienfaits de l’isolement cachent parfois des vices. Alors même si vous êtes en quête de grandes bouffées d’oxygène salvatrices (ce que je peux comprendre à l’heure où j’écris ces lignes…), il est conseillé de vous faire accompagner d’un ami. Rien ne vaut une seconde paire de bras en cas de problème…

Un profil de rivière caractéristique des têtes de bassins
Crédit photo : Bernard Galliano

Les techniques appropriées

À la tête de toutes nos rivières et torrents, ces petits milieux offrent une eau pure est bien oxygénée riche en biomasse aquatique. Étant peu impactés par le peu d’affluents qui les composent, ils laissent couler des eaux claires une grosse partie de la saison. Les macro-invertébrés d’eaux vives s’y retrouvent nombreux faisant le bonheur de nos salmonidés. Privilégiez les imitations d’éphémères à défaut de celles de chironomes ou même de trichoptères. À titre d’exemple, les éclosions d’Heptagenia sulphurea se font remarquer à cette période de l’année, profitez-en ! Ici plus qu’ailleurs, celui qui trouve l’insecte dominant du jour tire plus facilement son épingle du jeu notamment lors des pêches en sèche où à la technique dite du « pompon » (technique de la sèche-nymphe). Pour cette dernière, une imitation plus ou moins exacte de l’imago présent à l’instant t suivie d’une nymphe peu plombée déclenche des poissons se nourrissant en surface comme entre deux eaux. Elle est réservée aux courants peu profonds, mais relativement longs et réguliers, ceux où les mouches peuvent dériver correctement et où la nymphe peut pêcher à la profondeur où se trouvent les poissons actifs. Mais c’est pour la sèche à vue que j’affectionne ces biotopes. L’utilisation de petits parachutes reste à mon sens la plus appropriée même si, sur les parties les plus lisses, il est intéressant de nouer à son bas de ligne un montage araignée sur hameçon de 14 ou 16. Ces mouches ayant le mérite d’imiter de très près tous les types d’éphémères présents dans nos cours d’eau. Sur les zones les plus calmes avec très peu de courant, la technique néo-zélandaise, plus communément appelée « dropper », permet de présenter parfaitement une nymphe sous une mouche très flottante de type tavan. Ce « flotteur » maintient la nymphe plus ou moins près du fond sous réserve que la profondeur n’excède pas 70 cm environ et que celle-ci ne soit pas trop lestée pour ne pas faire couler la sèche. Même si une truite peut tout à fait monter en surface, cette pêche à deux mouches consiste principalement à faire pêcher la nymphe. La sèche, emprisonnée entre la pointe du bas de ligne et le fil de la seconde artificielle, ne dispose pas ici de la liberté de mouvements nécessaire pour être « pêchante » à 100 %. Enfin, j’utilise la technique de la nymphe au fil uniquement s’il n’y a pas d’activité de surface ou si les eaux sont hautes et légèrement teintées (ce qui est rarement le cas en dehors des périodes de fonte des neiges ou de fortes pluies), tout comme celle du streamer au fil… Contrairement à certaines idées reçues, une petite imitation de chabot ou autre vairon peut mettre du beurre dans les épinards lors des sessions compliquées. L’action de pêche est simple, il suffit d’animer de manière plus ou moins verticale un petit streamer dans les zones les plus calmes et profondes près des gros obstacles. Dans les deux cas, pour mes nymphes de pointe comme pour mes streamers, j’aime faire mes montages sur des hameçons jigs de bonne qualité qui autorisent des dérives proches du substrat sans s’y accrocher.

Sur ce type de parcours aux eaux cristallines, le temps passé à observer la rivière n’est jamais du temps perdu…
Crédit photo : Bernard Galliano

Un matériel adéquat

L’ombre portée, la clarté des eaux et les niveaux souvent bas nous obligent à utiliser ici des cannes de 10 pieds. Grâce à elles, les approches sont plus discrètes et leur long bras de levier permet de pêcher efficacement à courte distance par-dessus les courants, les rochers ou les embâcles. Côté moulinet, un semi-automatique facilite une pêche rapide de postes. En dehors des pêches au fil, l’utilisation de bas de lignes type « queues-de-rat » d’une fois à une fois et demie la canne est idéale.

Une belle fario méditerranéenne de tête de bassin. Bien zébrée, recouverte de points rouges et noirs et marquée d’un point noir bien distinctif sur la tête
Crédit photo : Bernard Galliano

L'équipement vestimentaire et sécuritaire

Avant toute chose, celui qui veut tirer le meilleur profit de ces parties de cours d’eau doit savoir marcher avant de savoir pêcher, c’est-à-dire qu’il doit connaître les risques liés à la pratique de la pêche dans ces milieux particuliers et s’équiper en fonction. Si une marche d’approche est nécessaire, un sac à dos de grande contenance sera obligatoire pour y stocker la trousse de secours, la crème solaire, le téléphone portable, les waders ou pantalon et chaussures de wading, le casse-croûte, le gilet ou chest-pack, les bouteilles d’eau ou la gourde filtrante, le tee-shirt de rechange et éventuellement un vêtement imperméable, la casquette ou chapeau et la paire de lunettes polarisantes. De bonnes chaussures de montagne maintenant fermement vos malléoles éviteront les accidents (notamment en descente) et une paire de bâtons de marche vous serviront de troisième et quatrième appuis au sol. Un pantalon en toile respirante (et non un short) vous protégera des piqûres de végétaux et d’insectes.

Parfaits pour débuter

Ces petits torrents regorgent de nombreuses truites plutôt joueuses, mais aussi, en montagne, d’une autre espèce peu farouche introduite pour le plus grand plaisir des pêcheurs, le saumon de fontaine. Ce magnifique poisson originaire des États-Unis pardonne plus facilement nos erreurs techniques que Dame fario, ce qui en fait un partenaire de jeu de premier ordre lorsque l’on débute à la mouche. Sa voracité lui joue souvent des tours et une mouche moyennement bien présentée a quand même de grandes chances de se faire happer au premier ou au second passage. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pu décrocher ces poissons dans mes pieds et ou ces derniers, une fois replacés, ont été repris par mon frère sur la dérive suivante. Cette vulnérabilité en fait un compagnon de jeu à préserver que chacun de nous doit prélever de manière raisonnée ou remettre à l’eau.

Dans ces biotopes, quand une truite atteint 25 cm, il s’agit déjà d’un poisson correct qui défend chèrement sa peau au bout de la ligne.
Crédit photo : Bernard Galliano

Des parcours fragiles...

Malgré toutes leurs qualités, les têtes de bassins subissent elles aussi les effets du réchauffement climatique. Même si elles ne sont pas en assec, la plupart souffrent d’un manque d’eau certain en période estivale obligeant les truites à réduire leur métabolisme et à se réfugier sous les obstacles dans les postes les plus profonds. Il est donc utile de se documenter sur les niveaux d’eau avant d’engager une quelconque épopée halieutique. À cela, vient s’ajouter depuis quelques années un véritable fléau, celui de l’énergie dite « verte ». En réalité, il s’agit d’une véritable supercherie… À l’heure actuelle, des projets de microcentrales coûteuses et peu productives poussent comme des champignons en France sur des « gisements énergétiques » (terme donné à nos rivières publiques par les microcentraliers eux-mêmes). Destructrices, elles mettent en danger la vie des salmonidés et de toute la faune aquatique ainsi que la continuité de notre loisir favori. Heureusement, nos fédérations, leurs Aappma et autres organismes indépendants se battent corps et âme pour que ces barrières de béton ne soient pas édifiées. Elles ont mon plus grand soutien et sans aucun doute celui de tous les acteurs de la pêche en France.

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