C’est au port de Charpignat, sur le lac du Bourget, que commence cette belle journée. Patrick possède visiblement un bateau parfaitement adapté aux grands lacs alpins avec un franc-bord haut qui permet de naviguer en toute sécurité même quand la traverse, le vent venu de l’ouest, se lève. Aucun risque aujourd’hui, le temps s’annonce radieux.
En face de Bourdeau
Patrick connaît bien les lieux et se positionne non loin du port, juste au large du village de Bourdeau. La profondeur est d’environ 45m. Après avoir vérifié que des échos sont bien présents, il commence par enclencher l’ancrage électronique du i-Pilot. Son installation et son équipement m’impressionnent : tout a été judicieusement réfléchi pour la pêche du corégone, notamment son écarteur qui, rappelons-le, servira à prolonger le canin, petite canne spécifique de 1,70 m, bien trop courte pour permettre d’épuiser les poissons.
Le moment est venu de choisir sa gambe : « À cette saison, la température du lac est encore élevée et les poissons sont éparpillés en pleine eau, explique-t-il. Je privilégie donc une gambe la plus longue possible, avec 18 hameçons, la limite autorisée, de manière à couvrir un maximum de hauteur dans la couche d’eau. » Il attaque avec une alternance de nymphes de couleurs différentes pour déterminer si les lavarets ont une préférence. Pick-up ouvert, le plomb est descendu sous les échos repérés, soit environ à une trentaine de mètres. La gambe est ensuite relevée lentement et le plus régulièrement possible, de manière à imiter la montée naturelle des nymphes de chironome vers la surface. Chaque pêcheur a sa manière de gamber. Certains tiennent le canin en porte-plume, Patrick, lui, préfère le prendre à deux mains, les index joints juste sous le liège. Cela permet, selon lui, de mieux contrôler ses gestes quand il y a un peu de vagues. Les yeux sont rivés en permanence sur le sondeur de manière à pouvoir ajuster la hauteur de la gambe en fonction du positionnement des poissons.
Pas bien gros
L’action de pêche est maîtrisée et quelques minutes suffisent pour enregistrer les premières touches, qui s’enchaînent ensuite assez rapidement, mais les poissons sont de taille modeste. Un seul individu maillé (la taille légale est à 35 cm) sur les huit corégones remontés à la surface. Pas satisfaisant pour Patrick qui décide de changer de poste.
La baie de Grésine
Direction la fameuse baie de Grésine, sur l’autre rive du lac, plus au nord. Le bateau est positionné plutôt à l’entrée de l’anse, à bonne distance de la berge. Le sondeur indique de nombreux échos, entre 15 et 25 m sous la surface, sans que Patrick ait vraiment eu besoin de tâtonner. « Cette année les nombreux lavarets ne sont pas difficiles à trouver. Tous les secteurs habituels sont occupés, précise-t-il. Il suffit de s’éloigner de 200 à 300m de la berge, il y en a un peu partout ! » Il n’oublie pas de mentionner que c’est assez incroyable car en début de saison, personne ne savait où ils étaient. Sacrés poissons ! Aucune différence n’ayant été constatée au niveau des nymphes sur le premier poste, notre spécialiste bascule sur une gambe très classique comportant toujours 18 imitations mais identiques cette fois : rouges cerclées de noir. La pêche peut reprendre. La taille des captures n’évolue pas, tournant autour d’une trentaine de centimètres. Les infos glanées avant la sortie se confirment : il est difficile cette saison de sélectionner la taille des lavarets. La stratégie de Patrick va donc maintenant consister à mettre la tête dans le guidon jusqu’au soir, sans se poser de question, de manière à multiplier les prises. En espérant bien sûr prendre quelques jolis spécimens dans le tas.
Au large d’Hautecombe
Notre spécialiste me signale soudain un banc de perches au sondeur. J’ai à peine fini de lui demander si elles sont prenables avec ses nymphes que, remontant sa gambe au niveau de l’écho, il en pique huit petites d’un seul coup de ligne. Amusant… mais un peu long à décrocher ! La tactique est néanmoins payante puisqu’un second corégone maillé est capturé. Belle récompense car même si le matériel est très léger, le maniement répété de l’écarteur et de l’épuisette est épuisant à la longue. D’autant que les touches ratées, toujours nombreuses avec ces diables de lavarets, n’en finissent pas de jouer sur les nerfs. Il est temps de faire une pause pour déjeuner. Vers 14h, nous retournons sur la berge sauvage du lac, mais cette fois-ci au large de la célèbre abbaye d’Hautecombe. Le sondeur affiche une profondeur proche des 100 m et, sans surprise, les poissons sont à nouveau au rendez-vous. Impressionnant ! Ce poste se révélera le plus rentable de la journée avec des corégones toujours majoritairement petits mais mordant à une très belle cadence. Si bien que je ne résiste pas au plaisir de m’essayer moi-même au maniement de la gambe. Je m’aperçois au passage que la continuité du geste est difficile à conserver dans les vagues générées par les bateaux des plaisanciers.
Cinq maillés
Patrick, concentré jusqu’au bout, réussit à capturer trois nouveaux individus de tailles respectables portant le nombre de poissons inscrits sur le carnet de capture à cinq. Il lui aura fallu pêcher avec beaucoup d’application toute la journée et en attraper une quarantaine pour parvenir à cette belle performance. Son équipement ultra-fonctionnel, sa technicité et son expérience ont fait assurément la différence sur le plus grand lac naturel de France.
Côté astuces
Crochet écarteur de luxe
Patrick trouve les crochets classiques bien trop lourds. À l’aide de son imprimante 3D, il a conçu un prototype en plastique (structure en nid d’abeilles) recouvert d’une couche de céramique pour éviter toute usure.
Plaque aimantée
Lors d’un changement de poste, il faut bien replier la gambe. Notre Savoyard emploie un large cadre à la surface aimantée, de manière à plaquer les hameçons rapidement. C’est bien plus pratique que sur le plioir original.
Écarteur ajustable
L’écarteur est une canne au coup télescopique Garbolino de 5 m transformée, avec des bagues téléréglables, de manière à s’adapter à la longueur de la gambe, dépendante du nombre d’hameçons.
Boîte de rangement
Patrick possède une multitude de gambes qui diffèrent par leur nombre d’hameçons (18 au maximum sur ce lac) mais surtout les types, les coloris et les tailles des nymphes.
Clips astucieux
Sur son imprimante 3D, il a créé deux pièces en plastique qui permettent de solidariser temporairement canin et écarteur. Cela facilite le moment délicat où la main droite doit mouliner tout en maintenant l’écarteur.
Sondeur et sonde mobiles
Patrick a conçu un ingénieux système permettant d’arrimer rapidement son électronique où il le souhaite. La sonde est manuellement inclinable en un tour de main de manière à visualiser constamment la gambe.