Grégoire Juglaret, l'assurance tous risques

Au-delà du pêcheur hors norme, se cache un homme au grand cœur et aux valeurs importantes. Toujours souriant, il est dans le partage permanent. Son incroyable expérience est mise aujourd’hui au service du collectif dans cette magnifique équipe de France  ! La montagne est haute mais pas infranchissable et Greg sera un des principaux guides pouvant nous mener au sommet. Quelle présentation dithyrambique me direz-vous, mais l’homme le mérite tout simplement. Nous avons passé ensemble de super moments aux bords de l’eau et il est clair que nous allons recommencer bien vite ! Interview donc d’un très grand champion.

COMMENT, OÙ ET À QUEL ÂGE AS-TU COMMENCÉ LA PÊCHE À LA MOUCHE ?
Grégoire Juglaret : J’ai commencé à pêcher en accompagnant mon père au bord de la Loire alors que je commençais juste à marcher. Je ne pêchais évidemment pas à la mouche, mais je pense que c’est par ces pêches ludiques (pêche au coup, pêche au vif…) qu’on apprend vraiment les bases de la vie aquatique, et la lecture de l’eau. Au milieu des années 1990, c’était la grande époque « d’Histoires Naturelles » et de « Destination Pêche » du regretté André Terrier. Ces films et émissions télé faisaient la part belle à la pêche à la mouche et je pense que c’est grâce à ces programmes que j’en suis tombé amoureux. Pour mes 9 ans, à l’occasion de Noël, mes parents m’ont offert mon premier kit de montage de mouches. Quelques mois plus tard, je me retrouvais dans ce magasin, implanté sur une péniche, chez Patrick Bourret, lors d’une animation proposée par le GPS Lyon Centre, en compagnie de René Lanthier, Jean Oulion, Jean Goudard, Jérôme Gaillard… Et d’un certain Pascal Cognard, qui venait juste d’être sacré pour la première fois Champion du Monde. Ce géant de notre sport, l’était d’autant plus pour le gosse de 9 ans que j’étais. Mes parents m’ont inscrit dans ce club et j’y suis toujours.

QUAND ET POURQUOI AS-TU COMMENCÉ LA COMPÉTITION ?
G. J. : Au sein de ce club, il y avait une grosse culture de la compétition. J’ai toujours été compétiteur, dans toutes les activités que j’ai pratiquées. La passion de la pêche à la mouche et celle de la compétition en général, m’ont donc amené rapidement à réunir les deux ! Mon premier championnat était en Minime à Aurillac. J’avais 11 ans et c’est là que j’ai rencontré plein de pêcheurs de cette génération, venus des 4 coins de France et avec qui nous sommes aujourd’hui amis. Je parle bien sûr de Ludo Chaomleffel, Laurent Gagneux, et bien sûr Julien Daguillanes, avec qui nous nous sommes retrouvés un peu plus tard dans les équipes Senior. Ce championnat jeune était exceptionnel car, quand on est passionné de pêche, au quotidien, on se retrouve un peu en marge des autres jeunes pratiquant d’autres activités plus communes. Cette rencontre nous permettait de voir que nous n’étions pas seuls, de nous retrouver et d’échanger autour de notre passion, et pas seulement avec des adultes. Rappelons, que les réseaux sociaux n’existaient pas et qu’en dehors des rencontres physiques, les échanges étaient beaucoup plus limités qu’aujourd’hui.

QUELS EST TON PALMARÈS ET TON ÉVOLUTION EN COMPÉTITION ?
G. J. : J’ai gagné plusieurs championnats de France chez les jeunes et les adultes, que ce soit en montage de mouches, en réservoir, ou en rivière. Puis j’ai intégré l’équipe de France en 2009, année où nous gagnons le championnat d’Europe en Irlande, avec comme capitaine Pascal Cognard et manager Said Yahiaoui. Depuis, je suis monté une quinzaine de fois sur un podium international et notamment deux fois sur la plus haute marche avec l’équipe de France, en Slovaquie (2017) et en Tasmanie (2019). [NOTE : cette itw a été réalisée début 2022, depuis, l'équipe de France a pris l'argent en Espagne puis l'or en Slovaquie, Grégoire prenant le bronze l'an dernier]

QUEL EST TON SURNOM EN ÉQUIPE DE FRANCE ET POURQUOI ?
G. J. : Hormis Juju (Daguillanes) qui m’appelle Boucle d’or, ce qui était explicite il y a quelques années (qu’il en profite bien, ça ne sera bientôt plus possible) je n’ai pas vraiment de surnom, si ce n’est le diminutif Greg. Après il y a bien Seb Vidal, qui essaye de m’en donner régulièrement des nouveaux, mais vu qu’on ne comprend rien à ce qu’il dit (le « parlé » ariégeois n’est pas un accent, mais une véritable langue, presque vivante), ça ne prend pas !

QUEL EST TON MEILLEUR ET PIRE SOUVENIR EN COMPÉTITION ?
G. J. : Les pires resteront mon premier championnat du monde junior en Italie et un championnat du monde en Bosnie, où les irrégularités étaient telles que j’ai bien failli raccrocher les cannes. Mais, ces deux mauvais moments sont très vite effacés par les meilleurs, comme ceux passés aux côtés de Fred Desfaits quand on s’occupait de l’équipe de France Junior avec des moments inoubliables (manche de Geoffray Barbier en Irlande, celle de Maxime Algeyer en France, etc.). Les deux championnats du monde que nous avons gagnés (trois maintenant avec l'or en 2023), et notamment celui en Slovaquie ou en plus de gagner par équipe nous finissons tous dans le top 10 (avec Juju 4, Seb Delcor 3, et moi 2), sont indélébiles ! Le championnat du monde 2016, au Colorado, restera également gravé dans le marbre, avec Juju Dagui qui monte sur la plus haute marche individuelle. Vingt ans après que je l’ai rencontré, la boucle était bouclée ! Et puis, voir un Pierre Kuntz monter sur des podiums internationaux et devenir un des piliers de notre sport, après avoir été révélé dans les juniors, c’est aussi une immense joie.

QUEL EST TON MEILLEUR SOUVENIR DE PÊCHE HORS COMPÉTITION ?
G. J. : Il n’y a pas un moment précis, mais tous ceux passés avec les amis en marge des compétitions et ceux avec mon père au bord des rivières, les pieds dans l’eau, à pêcher les « blancs » au coup du soir dans la Loire, sur une barque à Trept… Ou encore, tout simplement le petit coup de téléphone juste avant le début des manches de compétition.

QUELLE EST TA TECHNIQUE DE PÊCHE PRÉFÉRÉE ET POURQUOI ?
G. J. : J’adore pêcher les ruisseaux en sèche ! Mais, si je devais choisir une pêche, cela serait certainement la traque à vue des truites en sèche et particulièrement ce qui se pratique en Tasmanie où l’on devine ces poissons sans véritablement les voir, car trahis uniquement par les remous qu’ils occasionnent quand ils se nourrissent aux extrémités du jour dans très peu d’eau. C’est une traque exceptionnelle, où l’on doit être rapide et discret, précis et malgré tout détendu. C’est là que j’ai connu les plus grandes variations de rythme cardiaque et des montées d’adrénaline exceptionnelles !

AS-TU UNE OU DEUX MOUCHES FÉTICHES (UNE SÈCHE ET UNE NYMPHE PAR EXEMPLE) QU’IL EST POSSIBLE DE PRÉSENTER AUX LECTEURS ?
G. J. : J’adore la simplicité et je trouve que les caractéristiques physiques d’une mouche sont plus importantes que le montage en lui-même. Une pheasant tail a pris et prendra toujours des poissons aux 4 coins du monde. En variant, les poids, les couleurs des billes et les tags, on obtient une boîte d’une extrême simplicité, mais d’une cohérence parfaite pour toutes les conditions de pêche que nous rencontrons sur une saison.

QUEL EST TON COIN DE PÊCHE PRÉFÉRÉ EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER ?
G. J. : Je suis fou des rivières alpines et de leur environnement et ce, sans distinction, mais je resterai fidèle à ma rivière de cœur, le Lignon du Forez, où j’ai appris énormément aux côtés d’Henri Buttazzoni, figure emblématique des rivières de la Loire. Un mentor comme on aimerait tous en avoir un. Pour ce qui est de l’étranger, mon cœur balance entre lacs irlandais, les rivières américaines ou ces fameuses truites en « tailing » de Tasmanie.

QUEL VOYAGE(S) RÊVEZ-VOUS DE FAIRE OU QUEL(S) POISSON(S) RÊVEZ-VOUS DE PÊCHER ?
G. J. : Mon rêve de pêche ? D’aller pêcher les permits avec toi, Herlé ! Mais avant tout, de retourner en Tasmanie. D’y avoir goûté, c’est devenu une addiction !

QUE PEUT-ON TE SOUHAITER POUR LA SUITE ?
G. J. : Une seule chose : de pouvoir continuer longtemps de vivre ma passion pour la pêche avec mes amis, en compétition ou non, mais dans des milieux préservés, en réussissant à m’investir encore plus pour leur protection.

Les membres de l'équipe de France dans Pêche Mouche :
Grégoire Juglaret
Lionel Fournier
Laurent Sentenac
Pierre Kuntz
Sébastien Vidal