Une idée communément admise : les mois d’été ne sont pas les plus fastes pour la recherche de nos carnassiers, brochet en tête. Avec l’augmentation des températures, le niveau d’ensoleillement, notre prédateur plongerait dans une sorte de torpeur estivale, tout juste serait-il enclin à s’envoyer un sushi d’ablettes en guise d’apéritif en se prélassant sous sa feuille de nénuphar. Certes, les périodes de fortes chaleurs, voire de sécheresse, auxquelles nous sommes de plus en plus exposés, ne rendent pas sa traque productive si on ne change pas nos habitudes. Mais une chose est sûre, le brochet, comme d’ailleurs le triumvirat de nos rivières – perche, sandre, silure –, continue à s’alimenter, d’autant plus que la température de l’eau favorise l’activité des sucs gastriques, donc leur mode de digestion. CQFD !
Fini la grosse artillerie
Pour réussir, comme à chaque nouvelle saison, notre approche doit fait preuve d’un peu d’imagination et de sens de l’adaptation. C’est alors que la pêche à la mouche prend tout son sens. Fini les soies plongeantes, les pêches avec des streamers XL parfois lourds. La grosse artillerie rangée, l’heure est venue de sortir des soies flottantes et intermédiaires, de descendre d’un numéro ou deux (soie de 8 ou 9) et d’opter pour un choix d’imitation « collection été » d’autant que notre cher Esox a les yeux rivés vers la surface, l’humeur badine et plus opportuniste que jamais. Avec la fin du printemps et le début de l’automne, j’avoue que c’est une de mes périodes préférées. J’opère en wading, en float-tube ou en kayak, en mode minimaliste en n’emportant le plus souvent qu’une canne, deux bobines de soie – flottante et intermédiaire –, Nylon et shock leader de rechange, une pince ainsi qu’une trousse pour ranger une dizaine de modèles de stream de surface ou sub-surface. L’observation et la compréhension du milieu dans lequel j’opère priment. La vie bat son plein : batraciens, couvées de canetons ou de grèbes, rongeurs aquatiques, banc d’ablettes, écrevisses… Le menu est pour le moins diversifié. Les oiseaux chantent, les poissons gobent, tandis que la végétation rivulaire, largement développée, assure le gîte et le couvert. Tout se passe dans la couche d’eau supérieure, et l’activité sur les hauts-fonds atteint son point culminant.
Attendre son heure
Faut-il éviter les heures les plus chaudes de la journée ? A priori oui, bien qu’il m’arrive de faire de belles pêches en plein cagnard notamment en rivière, sur les secteurs les plus oxygénés comme les avals de seuils (lorsque la législation l’autorise), la jonction avec des affluents, les déversoirs, bref, partout où le courant est présent. Mais comme toujours à la pêche, je pourrais citer de nombreux cas contraires. L’an passé, je me souviens d’une sortie en plein après-midi ensoleillée où la température extérieure avoisinait les 28 °C, à l’ombre ! J’avais choisi un secteur riche en herbiers – un dédale de prêles recouvrant les bordures d’un étang sur une vingtaine de mètres de largeur – avec dans l’idée de tester de nouveaux modèles de poppers équipés d’anti-herbes. Je fus vite fixé sur leur efficacité, car à peine mon pop en mousse eut-il touché la surface que son impact déclencha une attaque en règle suivie d’un large remous. En trois heures de pêche, ce fut une dizaine de brochets qui se manifestèrent bruyamment, comme s’ils s’étaient tous passé le mot. Réflexe de territorialité ou phase d’activité alimentaire ? Allez savoir. Je n’en pris que quatre cette après-midi-là, les autres se seront décrochés ou ratés ! Il est vrai que notre prédateur n’est pas des plus habiles dans l’art de régler ses attaques en surface. Mais quel spectacle ! Cette anecdote ne serait-elle pourtant que l’exception qui confirme la règle ?
La belle activité que voilà
La preuve en est que tout peut arriver à la pêche – pour peu qu’on soit au bon endroit au bon moment ! – surtout avec notre carnassier, qui peut se montrer fantasque. Toutefois, loin de moi l’idée de généraliser cette mésaventure. Le choix des postes demeure bien évidemment un élément à prendre en considération. Partout où la végétation aquatique est présente – bancs de nénuphars et potamots –, la vie grouille dans ce qui s’apparente à un bouillon de culture. Notre brochet y trouve refuge, d’autant que la chaîne alimentaire est en place. Par ces belles journées d’été, je vais privilégier de tels secteurs à condition que la profondeur soit suffisante (minimum 1 m d’eau) et que le substrat ne soit pas trop vaseux. De même, tous les postes ombragés qui bénéficient de structure, les bois morts, branches semi-immergées, etc. sont des points chauds ! Second paramètre, l’heure potentielle d’activité alimentaire. Si je viens de démontrer le contraire plus haut, la généralité veut qu’il vaut mieux être en place tôt le matin ou en soirée jusqu’au coucher du soleil. Mais là encore, tout dépend du milieu dans lequel on opère.
Savoir être opportuniste
Avec le changement climatique qui se manifeste de plus en plus ces dernières années, je constate combien les repères changent, le comportement de notre carnassier aussi. Un été pourri et froid, et la donne change. Une fois encore, l’adaptation est primordiale ! Les épisodes orageux sont aussi à surveiller de près, avec les précautions d’usage lorsque l’air se charge d’électricité ! La période précédant l’instant paroxystique ou l’instant juste après riment souvent avec des périodes d’activité qui peuvent être intenses. Ce n’est pas pour autant que le brochet va toujours être réceptif au « plof-plof » d’un popper. Certaines fois, il faudra l’animer discrètement, un bruit sourd espacé, d’autres fois un simple sillage à la surface. Auquel cas, je préfère utiliser un slider, c’est-à-dire un modèle flottant ou évoluant juste sous la surface, plus discret, mais pas moins prenant !
Lorsqu’il faut aller les chercher un peu plus profond dans la couche d’eau, j’opte pour des montages dits « bendback » ou texans, qui permettent de faire évoluer son imitation à peu près partout, en limitant réellement les risques d’accrochage. Côté corps de ligne, je ne finasse pas : 1,50 m de 45 centièmes monté boucle dans boucle sur la soie flottante, de préférence transparente, prolongé par un shock leader en fluoro de 80 centièmes. Exit l’agrafe qui a le défaut d’accrocher la végétation. La solidité du montage permet de cisailler une tige de nénuphar quand le choix s’impose et, surtout, d’extirper un beau spécimen en force de son poste. Côté streamers, montés droit, pensez à les équiper d’un bon anti-herbe en Nylon de diamètre suffisamment gros pour être efficace. Un bon 50 centièmes s’avère être un bon compromis pour ne pas limiter la pénétration de l’hameçon au ferrage, canne basse. Les pêches d’été à la mouche, ou plutôt avec de drôles de créatures, sont avant tout des pêches visuelles, ce qui les rend particulièrement excitantes. Leur dimension ludique et sportive donne toute sa primauté à notre action de pêche qui, à cette période, peut s’avérer supérieure à des leurres classiques. Dernier conseil : n’oubliez pas vos lunettes polarisantes, une bonne visière et votre crème solaire, au risque de ressembler à une écrevisse. À bon entendeur, salut !
Une sélection pour l'été !