Le streamer, c’est la base en réservoir. Son principe est simple, fondé sur l’idée de déclencher des réactions d’agressivité chez les truites. Mais derrière cette définition simple se cachent quelques nuances. La technique, malgré son apparence un peu grossière, possède en effet ses subtilités. Comme la pêche aux leurres, à laquelle elle s’apparente, la pêche au streamer a pour elle un atout de taille: son impressionnant volume de prospection. C’est de loin la technique de pêche à la mouche la plus rapide pour explorer une zone. C’est un point très important en réservoir, où les truites peuvent être très localisées, dans une certaine zone ou bien à une profondeur donnée.
Ne pas trop insister
Déterminer tout ça est une première étape essentielle et d’autant plus que le réservoir est grand. On se déplace en prospectant de place en place en éventail, en commençant bien par la bordure immédiate, et à différentes profondeurs, de la surface vers le fond. L’utilisation de soies de différentes densités, notamment plongeantes, est indispensable (voir encadré). L’erreur consiste à insister trop longuement au même endroit, le streamer étant par essence une technique de prospection. On insiste seulement sur les endroits où l’on est sûr de la présence de poissons. Lorsqu’on a trouvé une zone d’activité, on peut alors insister, soit en adoptant une approche plus discrète, nymphe ou chironome par exemple. Mais on peut aussi avoir envie de poursuivre au streamer, en tentant alors d’optimiser son efficacité. Comme tout leurre, on peut l’animer de différentes manières, le paramètre le plus important étant la vitesse. Les truites agressives réagissent bien aux animations rapides. La profondeur désirée étant atteinte, on récupère la soie en strippant vite, mais sans rentrer les derniers mètres de soie dans l’anneau de tête pour relancer aussitôt et conserver une cadence élevée.
La bonne soie
Une soie n°7 est un minimum, une n°8 offrant tout de même plus de latitudes, surtout avec de gros streamers ou lorsqu’on pêche avec deux ou trois imitations. Les profils décentrés (WF) sont incontournables pour lancer rapidement et à distance, mais les shooting heads (têtes de lancer suivies d’un running line très fin) sont imbattables pour prospecter vite et loin si on maîtrise bien leur utilisation. Pour ne pas trop s’encombrer, on peut réduire son choix à deux densités: une intermédiaire pour prospecter les couches à proximité de la surface, et une soie plongeante assez rapide (type S3, coulant à 7-8cm/s) pour pêcher bien plus creux. Il suffit de laisser couler d’autant plus longtemps qu’on souhaite prospecter profondément.
Accélérer encore
Face à des truites suiveuses, on peut cependant terminer l’animation avec la canne une fois que l’on a fini de stripper, en impulsant une accélération suivie d’une courte pause avant d’arracher la ligne. Cette manœuvre décide souvent les truites hésitantes qui, après avoir accéléré pour suivre, viennent buter sur la mouche lors de la pause. Pour récupérer encore plus rapidement, on peut utiliser ce que l’on appelle le rolly-polly. Cela consiste à mettre sa canne sous le bras et à récupérer la soie le plus vite possible avec ses deux mains. Cette récupération hyper rapide peut faire une grande différence, à la fois en termes de cadence de prospection, mais aussi en stimulant des truites suiveuses qui, n’ayant plus le loisir d’hésiter, attaquent par réflexe. À l’opposé, il arrive qu’une animation lente soit plus efficace. C’est le cas lorsque l’eau est froide et qu’il faut prospecter au ras du fond. De manière générale, les grosses truites semblent avoir un penchant pour les animations lentes. Il faut donc faire des essais jusqu’à trouver la bonne vitesse, celle qui déclenche le plus de touches. Les mouches plombées, le plus souvent par une bille métallique en tête, se prêtent aux animations rapides. Avec un effet jig, piquant du nez à chaque pause, elles sont efficaces auprès des truites agressives.
Faire au plus simple
Si les imitations non plombées permettent elles aussi des animations rapides, elles sont plus intéressantes pour les animations lentes grâce à leur aptitude à planer et à terminer leurs trajectoires lentement et en douceur lors des pauses. Des matériaux très mobiles comme le marabout ou les poils de lapin leur permettent en outre de garder une sorte de mouvement même à l’arrêt, contrairement aux poils plus rigides (bucktail, écureuil) à réserver aux mouches à animer rapidement. Quant à la couleur, il existe en fait d’infinies possibilités, à s’y perdre si l’on prend en compte les nuances. Personnellement, je préfère simplifier en distinguant deux cas de figure: les teintes agressives (orange, rose, jaune, chartreuse, blanc) et les neutres (noir, marron, olive). Les premières sont efficaces sur les truites agressives, les secondes sur les poissons méfiants. Pour se simplifier la vie, deux sont incontournables: le noir et l’orange fluo. C’est une base de départ que l’on peut accompagner d’une couleur flashy (rose, chartreuse) et d’une autre plus neutre (olive, marron). Cela réduit à quatre couleurs, c’est suffisant !
La bonne taille
La taille est un autre critère à prendre en compte. On peut en effet utiliser de très gros streamers en réservoir (hameçon n°2 tige longue), particulièrement si l’on cible de grosses arcs-en-ciel ou farios, souvent plus stimulées par ces mouches volumineuses aux signaux puissants. Mais outre que ces très grosses mouches sont plus fastidieuses à lancer, elles peuvent aussi rebuter des truites de taille classique. Des streamers de taille moyenne (hameçon n°8) sont ainsi une bonne base de départ. Le gabarit des truites en présence doit donc intervenir dans votre choix. Si elles sont de petite taille (20à 25 cm) il ne faut pas hésiter à utiliser des imitations montées sur des hameçons n°10 à 12. La transparence de l’eau doit aussi être prise en compte. Si une eau claire permet d’utiliser des streamers de toutes tailles, mieux vaut en choisir d’assez gros pour pêcher une eau chargée ou teintée où les petites mouches seront moins facilement perçues. On peut aussi utiliser deux voire trois streamers en même temps pour multiplier les stimulations. Cela permet également de tester simultanément différentes couleurs. Espacés de 50 cm à 1 m, ils peuvent être fixés avec des potences issues des nœuds de raccord des brins du bas de ligne (une dizaine de centimètres pas plus).
Le bas de ligne
Pour réaliser son bas de ligne, le fluorocarbone a pour lui sa densité, qui lui permet de couler plus rapidement que le nylon, et une absence d’élasticité apportant une meilleure détection des touches fines sur des animations lentes. On le privilégiera pour pêcher en profondeur et pour ce type d’approche. Un monobrin de 18 (petite imitation) à 25/100 (grosse mouche) suffit en général. Pour faciliter son déploiement, on peut néanmoins utiliser aussi une queue de rat terminée par un bon 25/100 et complétée par une pointe fine du diamètre souhaité.
Plus risqué
Plus simple est un montage sans potence, l’œillet du streamer portant les deux brins du bas de ligne. Prudence néanmoins car utiliser plusieurs streamers multiplie les chances mais aussi les risques de nœuds et les difficultés à lancer. Un streamer qui est souvent dans l’eau sera toujours plus efficace que trois fréquemment emmêlés. C’est un peu un cliché mais pour cette fois encore, le mieux est bien l’ennemi du bien.
Trois valeurs sûres