Méfiante, capricieuse, boudeuse, rusée et combative jusqu’au bout des nageoires, la daurade royale est un poisson qui se mérite. C’est bien ce comportement déroutant qui stimule Gilbert Colin, pêcheur en surfcasting chevronné, que je retrouve au bord de l’eau ce matin.
Les bonnes conditions
Coefficient de marée de 76, ciel bleu azur et mer plate comme une limande : l’été approche qui promet ! L’étale de basse mer n’est attendue que pour 13h00, ce qui nous laisse le montant et les deux premières heures du descendant. Si la royale aime les secteurs abrités, un léger clapot faisant écran entre le poisson et le pêcheur est préférable, raison pour laquelle rades, rias et abers sont les terrains de jeu préférés de Gilbert. Elle s’accommode d’une eau peu salée… si celleci est bien garnie en coquillages (moules, myes, bulots, coques, couteaux, tellines), sa principale source de nourriture. Pour s’alimenter, les daurades royales se déplacent en banc, assez rapidement et sur des distances parfois importantes. En fait, elles se laissent porter par les courants. Pour piquer plusieurs poissons d’affilée, il faut être réactif, et suivre leurs transits.
Les heures de marée
Gilbert a de cette façon déjà réalisé des séries de six à huit poissons pour un poids moyen de 3,5 kg ! « Juin est le meilleur mois, précise Gilbert, quand la température de l’eau atteint 14 °C. La daurade royale peut être active la nuit et ne craint pas le soleil. Un léger vent (ouest, sud, sud-ouest) est prometteur. » Gilbert vise plutôt les coefficients de marée moyens (60 à 85) qui génèrent des mouvements d’eau sans violence. Il privilégie les deuxième et quatrième heures de marée quand le courant s’accentue pour atteindre sa puissance maximale à la quatrième heure. Dans ses moulinets, Gilbert préfère le nylon qui résiste mieux aux frottements que la tresse et permet d’amortir le contact avec le scion à la touche. Il estime aussi que le nylon est moins sonore qu’une tresse tendue.
Cannes et moulinets
Et d’ailleurs, Gilbert évite de trop tendre ses lignes. Quand il pêche en dehors de la rade de Brest, il utilise un nylon de 30 à 35/100 avec un Photos Thierry Sauvin arraché en fluorocarbone (40 ou 45/100) d’une longueur équivalente à deux longueurs de canne. Cela permet d’appuyer les lancers. Mais dans la rade, les roches sont partout recouvertes d’huîtres très coupantes ce qui oblige à utiliser un gros nylon et un bas de ligne en 40/100. Ses moulinets, à vitesse de récupération rapide (plus de 1m/tmv) sont aussi de grosse contenance. « Il m’arrive de lancer à plus de 100m et qu’une daurade en prenne encore 50 de plus, confirme Gilbert. Une réserve est également utile si je veux pêcher à reculer ! »
Trois distances
Une séance peut débuter à l’étale de basse mer, par exemple, et le pêcheur doit reculer avec le flot. L’appât peut alors se trouver à plus de 150m du bord, même si, le lendemain, les daurades peuvent être installées sur des huîtres à 30m ! C’est pourquoi Gilbert installe ses montages à des distances différentes. Aujourd’hui, par exemple, ses trois cannes sont en action à 50, 80 et 100m. Il s’agit de montages coulissants en dérivation, l’objectif étant que l’appât ait un comportement naturel possible et que ce sparidé hyper méfiant qu’est la daurade royale ne détecte aucune résistance. Sur le corps de ligne sont enfilés un coulisseau à agrafe, deux perles (une dure et une molle) pour protéger le nœud de l’émerillon baril sur lequel est relié le bas de ligne de 2,40m, longueur qui compense les inconvénients liés à son fort diamètre.
Pas de grappin
Gilbert utilise un plomb trilobe orange de sa fabrication (120 g), qu’il peut suivre des yeux lors des lancers. Il est muni d’un accrocheappât, ce qui facilite les lancers avec un long bas de ligne. Celui-ci se déploie ensuite en plein vol. « Je n’utilise jamais de plomb grappin, précise-t-il. Un montage qui dérive légèrement n’est pas un problème, cela rend l’appât plus mobile. » Compte tenu de la puissante mâchoire de la royale, les hameçons sont des renversés forts de fer. Gilbert utilise souvent des montages avec deux simples pour réduire les ratés au ferrage, que l’appât ait une bonne tenue et qu’il puisse résister au lancer appuyé et à l’impact en surface. Pour les mêmes raisons, il n’hésite pas à ficeler cet appât avec du fil élastique fin. La daurade royale étant changeante, Gilbert dispose toujours d’une grande diversité d’appâts: couteau, bibi, bulot, vers marins et, top du top, crabe vert. Chacun des trois montages en place est ainsi esché avec un appât différent. Gilbert lance avec aisance, sans forcer, aux distances souhaitées. C’est à cela que l’on reconnaît le très bon pêcheur.
Frein bien réglé
C’est alors qu’il faut se montrer très attentif. Car bien souvent, le poisson se manifeste par de petites tirées : c’est la phase où il broie l’appât. Ce n’est qu’après ce préliminaire qu’il finit par s’enfuir à toute allure avec l’appât. Il est donc nécessaire de bien régler le frein du moulinet, desserré certes mais pas trop pour ne pas risquer la perruque ! Quoi qu’il en soit, l’issue du combat est toujours incertaine. Mais n’est-ce pas ça le sel de la pêche ?
L'eschage d'un crabe vert
Le crabe vert est l’appât des poissons trophées et son eschage doit être réalisé avec soin. Gilbert neutralise d’abord les pinces avec du fil élastique puis pique deux hameçons simples dans les cartilages des pattes arrière. Il ligature ensuite les quatre pattes d’un même côté pour éviter que le crabe s’enfouisse (cela rend aussi le montage plus aérodynamique). Pour finir, il libère les pinces pour que le crabe puisse gesticuler et être attractif.