Dans le contexte politique actuel, Russie et Biélorussie étaient absentes, mais une courageuse sélection ukrainienne faisait bel et bien partie des trente-trois équipes participantes. Les pronostiqueurs voyaient la France parmi les favorites car il fallait s’attendre à une pêche de poissons-chats, petites brèmes, gardons et ablettes. A priori du bien connu pour les Bleus… Les organisateurs croates avaient mis les moyens pour que le parcours soit à la hauteur de l’événement. Près de 400 000 € ont été investis pour aménager les berges d’un ancien bras mort de la Drava, et obtenir un magnifique parcours, long de presque trois kilomètres.
Deux secteurs à 40 km !
Hélas, la sécheresse estivale n’ayant épargné personne, une baisse du niveau inédite et une prolifération de végétation aquatique ont contraint les organisateurs à installer les secteurs D et E sur un second bras mort… à 40 km des trois premiers ! Ce qui a bien entendu compliqué la logistique et les entraînements sur ces secteurs diamétralement opposés en termes d’approche. Ces entraînements n’ont néanmoins pas démenti la qualité de ces parcours. Les poissons, en majorité des petits chats, étaient certes de taille modeste mais présents en nombre, à toutes les distances et sur (presque…) toutes les places. Très peu de poissons bonus d’ailleurs viendront perturber la belle régularité des parcours.
La Serbie d'entrée
Dès l’entame de la compétition, on se rend compte que les équipes favorites ont pris les mêmes options : un coup amorcé assez près du bord, un second à la grande canne. L’anglaise, surtout au coulissant, est prévue elle aussi, surtout dans les secteurs D et E, nettement plus profonds. À tel point que certains ont même monté des bolognaises pour aller plus vite. La grande canne domine sur les secteurs A, B et C, le moulinet sur les deux autres. Si quelques petits carassins sont pris ici et là, les bourriches grossissent lentement à raison d’une soixantaine de petits poissons à l’heure. Les pêcheurs jonglent avec les distances et les poissons mais se concentrent surtout sur les chats, les plus gras. La pêche est très rythmée, aucun temps mort n’est permis. Et à ce jeu-là, les Serbes, presque des locaux ici, frappent très fort, ne cumulant que 9 pts (pour cinq pêcheurs rappelons-le) à l’issue de la première manche. Ils sont suivis par les habitués des grands rendez-vous. Les Italiens, tenants du titre, suivent à 5 pts devant les Tchèques à 19 pts. Quatrièmes à 20 pts, les Bleus peuvent croire au podium.
En embuscade
Pour son entrée dans la cour des grands, le jeune Jérémie André (voir encadré) fait très fort en terminant 2e de son secteur, tout comme Maxime Duchesne, auteur d’un final d’enfer. Alexandre Caudin, toujours aussi régulier, finit 3e, Stéphane Pottelet 5e et Diego Da Silva 7e . Les Anglais, que les observateurs de la semaine d’entraînement avaient pourtant trouvé en forme, sont loin tout comme les Hongrois. Nul besoin d’être devin pour comprendre que les Serbes sont quasi intouchables pour le titre par équipes tant la régularité du parcours et leur maîtrise du sujet semblent les mettre à l’abri de toute mauvaise surprise. Mais l’argent ou le bronze restent à la portée de la France, bien placée en embuscade.
La surprise André
Stéphane Linder, retenu par des obligations familiales, n’ayant pu être du voyage, c’est le jeune Jérémie André qui a pris sa place. Ayant fait très forte impression lors des entraînements, il a fini par s’imposer en tant que titulaire. Calme, précis, rapide et stoïque, même dans la difficulté, il n’a rien lâché si bien qu’à l’issue de deux manches superbes (2 et 3e), il termine 12e et meilleur Français de ce championnat du monde. Franc-comtois d’origine, aussi fort en canal qu’en rivière, Jérémie André est aujourd’hui installé en Bretagne. Au même titre que les désormais indiscutables Caudin et Duchesne, on n’a pas fini de parler de ce grand espoir.
La déception
La pêche du dimanche est un véritable copier-coller de celle du samedi, avec un léger tassement des scores. Pêches rapides à la courte ou grande canne sur les premiers secteurs et au moulinet sur les secteurs profonds. Vainqueur la veille, le jeune Croate Mihael Pongrac impressionne par sa facilité à la bolognaise, au rappel, à une petite vingtaine de mètres. La mécanique, fruit de dizaines d’heures d’entraînement, est parfaitement huilée. Avec un matériel et des montages parfaitement adaptés, il va vite, très vite même, sans jamais emmêler, assurant un ratio touches-prises quasi parfait. Au poids total sur les deux manches, même s’il ne termine que deuxième le dimanche, il laisse ses suivants à près de 4000 pts et n’aura vraiment pas volé son beau titre de champion du monde individuel.
Serbes, Slovènes et Tchèques semblaient eux aussi ultra-préparés. Les Anglais ont corrigé le tir le dimanche, s’adaptant mieux que les Français sur les deux secteurs où il fallait sortir le moulinet, ce qu’ils savent faire. Ils remontent à la 6e place au classement général, juste derrière les Bleus qui descendent eux d’un cran.
Mi-figue, mi-raisin
Finalement, ce sont les Hongrois, qui, après avoir sombré la veille, remportent la manche d’un demi-point devant des Serbes très sereins et en fait jamais inquiétés. La hiérarchie mondiale est respectée pour ce championnat de haut vol même si, de toute évidence, elle s’est très largement resserrée depuis quelques années maintenant avec l’émergence des pays de l’Est, souvent très compétitifs sur certaines pêches. Quant à l’équipe de France, après un très mauvais championnat d’Europe au Portugal, on espère qu’elle saura tirer les leçons de ce championnat mi-figue, mi-raisin pour revenir plus forte en Espagne l’an prochain… et plus encore à Béthune, à domicile, en 2024 !
Matteoli n’en a «rien à foutre !»
Notre confrère d’Info Pêche, Nicolas Béroud, a été vivement pris à partie par le président de la FIPSed, l’Italien Claudio Matteoli, alors qu’il filmait un concurrent, discrètement installé à la limite entre deux boxes, comme tout journaliste couvrant ces championnats le fait toujours. Aux termes d’un vif échange, Nicolas argumentant qu’il faisait simplement son métier et que, ce faisant, il participait à la promotion de la pêche de compétition, le président de la fédération n’a rien trouvé d’autre à lui répondre qu’un honteux « Je n’en ai rien à foutre ! » Tous les compétiteurs, capitaines et accompagnateurs qui font des milliers de kilomètres en voiture, souvent sur leurs jours de congé, pour assurer le spectacle, apprécieront… Il ne faut pas s’étonner du déclin d’intérêt inexorable qui accompagne ces championnats du monde chaque année depuis que ce Matteoli préside la fédération internationale. Notre inoubliable et regretté Fortuné Jaguelin a dû se retourner dans sa tombe.
Classement | Nations | Points |
1 | Serbie | 9 + 22,5 = 31,5 |
2 | Italie | 14 + 28 = 42 |
3 | Rep. Tchèque | 19 + 28 = 47 |
4 | Slovénie | 21 + 32 = 53 |
5 | France | 20 + 34 = 54 |
Classement | Pêcheur | Nation | Points |
1 | Mihel Pongrac | Croatie | 1 + 2 = 3 |
2 | Mitka Kmetec | Slovénie | 2 + 1 = 3 |
3 | Balázs Csöregi | Hongrie | 2 + 1 = 3 |
4 | James Dent | Angleterre | 2 + 1 = 3 |
5 | Nicola Marković | Serbie | 1 + 3 = 4 |