Pour un pêcheur au coup classique, la difficulté en carpodrome, c’est d’oublier ses schémas habituels. Pour la carpe, il faut en effet multiplier les options et construire plusieurs coups. L’expérience et la pratique aident beaucoup bien sûr. Fabrice Casimir, que j’ai choisi de suivre aujourd’hui, pêche énormément sur des spots très variés. Il a su développer une approche très pragmatique pour minimiser les erreurs. Choix des coups, amorce, appâts… rien n’est laissé au hasard !
Un sondage minutieux
Le sondage, déjà, s’apparente à une véritable exploration des fonds. Fabrice prospecte plusieurs coups possibles avec la même ligne, depuis la bordure, élément par élément, de 4 à 13m. Il enregistre ainsi le dénivelé et sait si un montage peut servir partout ou pas, selon la distance à laquelle les poissons vont mordre dans la journée. Sa bannière est courte et Fabrice amorce très précisément. Un fond plat, indispensable, de la taille d’une petite assiette est suffisant, plus facile à trouver en s’éloignant du bord. La sonde reste toujours à portée car les carpes qui fouillent à la recherche des appâts peuvent creuser un fond souvent meuble. Une différence de quelques centimètres peut alors fausser le réglage du flotteur. L’antenne, qui pointe à mi-hauteur, sert d’indicateur. Si elle disparaît complètement, c’est que les carpes ont creusé !
Six coups prévus
Fabrice prévoit ainsi un coup de départ en bordure, face à lui, deux coups de bordures latéraux, deux coups au large (avec des approches différentes) et un éventuel coup en surface. Il commence prudemment à une longueur de kit (5 à 6m), jamais loin. Les carpes, troublées par les installations et le remue-ménage sur la berge, ne viennent au bord qu’en fin de journée. À l’inverse, attaquer au grand large serait dangereux, car si elles prenaient peur d’emblée, elles mettraient un temps fou à revenir.
Des appâts variés
Prudent, Fabrice n’amorce qu’un seul coup à la fois. Lorsqu’il en change, il laisse le précédent se vider totalement afin que les carpes se focalisent sur le nouveau. Ce n’est que lorsqu’il sent qu’un coup s’épuise qu’il en prépare un autre. Le plus souvent, il commence par déposer une petite coupelle de granulés et démarre avec un granulé à l’hameçon. Il dispose d’une multitude d’appâts, qu’il connaît par cœur, pour déterminer celui qui va plaire et n’ajoute ni additifs ni colorants. Il utilise entre autres deux types de granulés, plus ou moins riches. Si les touches sont rares, les plus riches doivent créer un appel. S’il y a beaucoup de poissons, les plus pauvres vont renforcer la compétition alimentaire et réduire le nombre de fausses touches. « Les micropellets de 2mm sont très solubles, parfaits pour commencer, m’alerte notre champion. Mais dès que les poissons sont là, je passe aux 4mm qui s’éparpillent moins !» Pour l’hameçon, il prévoit en complément des pellets expansés ou mous. Fabrice utilise aussi le maïs, blanc et jaune, incontournable en carpodrome et le chènevis dont il est un grand fan. Petite astuce : amorcer au chènevis et piquer un grain de maïs blanc sur l’hameçon, imparable selon lui ! Si le maïs est son appât de prédilection pour la bordure, pour stabiliser sa ligne et tromper les grosses qui rôdent le long des berges, il utilise aussi un appât plus lourd : le pois chiche.
Montages en direct
Les montages de Fabrice sont pensés pour perdre le moins de poissons et de temps possible. Il s’agit de garder la maîtrise du combat de bout en bout. Pas de bas de ligne, tout est monté en direct car moins de nœuds, c’est moins de risque de casse. 20 ou 22/100 sont des diamètres fiables et sécurisants. Ses flotteurs –Diamond, C-Drome ou Jigger (Preston Innovations)– sont dépourvus d’œillet, trop fragile. Le nylon transite par une gaine silicone interne très solide, comme celles qui bloquent le nylon sur la quille. « Le flotteur ne doit pas bouger si par malheur je décroche un poisson, insiste Fabrice. Mes réglages seraient faussés et je perdrais un temps précieux !» L’antenne creuse bicolore permet de bien lire les touches et le relief du fond. Fabrice ne se sert que d’un seul type de plombée, une masse unique située à 10-15cm de l’hameçon. Les plus petits plombs, cylindriques, sont encadrés par les plus lourds car les premiers ont tendance à bouger lors des tensions intenses et répétées du nylon. Très simple, cette disposition offre en outre un maximum de rigidité et une qualité de présentation incomparable.
Nouveaux élastiques
Fabrice avoue pêcher généralement plus lourd que les autres pêcheurs. « Les poissons de carpodrome sont éduqués et méfiants, explique-t-il. Avec une ligne trop souple, je ne verrais pas les touches délicates, au contraire de ce que beaucoup pensent. Quand une carpe aspire mon esche, c’est avec confiance.» Pour ses portances, Fabrice choisit un 0,50g dans un mètre d’eau et 0,80 à 1g dans trois mètres. Concernant les hameçons, un n°14 est utilisé dans 90% des cas. Fabrice joue néanmoins sur l’épaisseur du fer en fonction du diamètre du nylon utilisé. L’hameçon est un CD 02 (Preston Innovations) sur le 20/100, CD 03 sur le 22/100. Fabrice utilise évidemment des élastiques creux dont il alterne le diamètre (de 2,5 à 2,9mm) en fonction de la taille des poissons. Mais de plus en plus souvent, il recourt à une nouvelle génération d’élastique plein mais qui démontre les mêmes qualités d’allongement. Ce type d’élastique hybride (2,6mm) résiste également plus longtemps dans le temps.
Bien protégés
Plus que l’élastique lui-même, d’ailleurs, c’est l’attention portée aux détails du montage qui fait la différence. Fabrice protège l’extrémité du scion par une tulipe Carp Bungee (Drennan), aux bords moins saillants que les tulipes en téflon classiques. Elle est logée non pas sur mais dans le scion, ce dernier étant réduit à sa plus simple expression pour donner un maximum de rigidité et de puissance pour combattre et mettre les poissons au sec plus rapidement. Les premiers centimètres d’élastique sont protégés par une coiffe confectionnée dans un brin d’élastique de fronde. La ligne est alors reliée à l’élastique (nœud coulant) par quatre brins de tresse torsadés et noués, ce qui est moins rigide que le brin de Dacron utilisé habituellement dans les attaches du commerce. La présentation de la ligne est alors beaucoup plus souple en tête, malgré la courte bannière utilisée.
Pêche à la pâte
Outre les classiques, Fabrice utilise aussi la pâte d’amorçage. Pas de fioriture encore ici, il emploie une recette maison basée sur les granulés dont il se sert: pellets durs broyés et pellets expansés, à parts égales. Il joue sur le mouillage pour obtenir la texture souhaitée, plus ou moins souple en fonction de la profondeur