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Bien exploiter les courants de nos rivières pour la pêche de la carpe

Nos chères eaux vives continuent depuis de longues années à nous dissimuler leurs plus beaux mystères, même si nous parvenons occasionnellement à percer certains de leurs secrets. Il faut bien avouer que le volume de poissons y est considérable et que nous ne récoltons seulement que quelques miettes. Souvent, en pêchant différemment, on touche des poissons bonus, alors pourquoi ne pas sortir des zones calmes et exploiter certains courants ?

Le schéma topographique d’une rivière sinueuse est très aléatoire. L’eau s’écoule et ne se pose pas de questions sur les impacts de son passage. Suivant les mouvements d’eau et les différents obstacles aquatiques ou terrestres, elle se fraye un chemin en dispatchant différentes lignes offrant des courants très distincts. Ces mêmes courants varient de puissance et d’intensité selon la carte des fonds. Il existe différents courants en eau douce. Ils varient de l’aval vers l’amont ou vice versa. Ils peuvent être obliques ou inexistants sur certains tracés. Nous avons tendance à chercher plutôt ces zones clémentes pour y déposer nos pièges, car dans le bouillon nos montages ne tiennent pas sur le fond. Dans certaines situations, la pression exercée sur nos bannières est tellement forte que nos lests ne parviennent pas à tenir le choc. Les niveaux et les débits varient au fil des saisons, ils suivent le bon vouloir de la météo et sont impactés par les différents lâchers de barrage. Il n’est donc pas simple d’anticiper la tenue d’un lest sur le fond une fois tous ces paramètres réunis. Les différentes sources de navigation comme les péniches ou les barges présentes sur certaines rivières viennent compléter et compliquer l’équation. Bien préparer une pêche dans les courants en étudiant la périphérie de la zone n’est pas du luxe; les poissons sont deux à trois fois plus puissants que dans les zones calmes, car ils savent parfaitement utiliser le poids de la poussée du courant. Les blanks cintrent et les moulins crissent jusqu’à une mise à l’épuisette elle aussi compliquée, car perturbée par la pression de l’eau.

Les herbiers dérivant nuisent à la bonne tenue des bannières dans le courant.
Crédit photo : Julien Dalle

Les bons courants à exploiter

Ils sont très nombreux, car les poissons les fréquentent à toute saison, hormis pendant les grosses phases de crue pour rejoindre des zones plus sécuritaires. Sur certaines rivières (rivière canalisée, rivière de plaine profonde…), les mouvements d’eau sont beaucoup trop linéaires pour en différencier nettement les courants; ceux-ci sont réguliers dans un lit central et se calment sur les bordures. Sur les eaux encaissées, de faible profondeur, moyenne ou encore serpentiforme, la diversité du linéaire offre bien plus de changements aquatiques. Le lit se balade de gauche à droite en passant par le centre et propage différents mouvements sur ses alentours. Si nous devions cependant retenir deux zones de bouillons prolifiques, ce seraient indéniablement les périphéries de courant et les veines d’eau.

Une commune piégée dans une périphérie de courant.
Crédit photo : Julien Dalle

Les périphéries de courant

Elles sont très fréquentées, car elles charrient beaucoup de nourriture. Par définition, ces zones séparent un courant fort d’une aire moins tumultueuse, tout en gardant un peu de poussée et différents remous qui biaisent l’écoulement de l’eau. Nous pouvons souvent les trouver sur les bordures, mais aussi au beau milieu du lit, derrière un obstacle qui freine l’eau, aux abords d’un virage ou même sur un linéaire bien droit à proximité d’une cassure abrupte ou d’une pente douce. Ces périphéries ont souvent une profondeur inférieure aux pleins courants qui composent le lit. Elles peuvent s’étendre sur quelques dizaines de centimètres de largeur comme sur plusieurs mètres. Leur substrat est souvent riche en divers organismes qui viennent s’y accumuler au gré des mouvements d’eau. En effet, le moindre creux de sable ou bloc rocheux permet une dépose et un maintien de ce que la rivière veut bien charrier. Ces dépôts contiennent différentes sources végétales et animales qui offrent une nourriture diverse et variée aux poissons, avec un renouvellement constant. Ce qui peut vite expliquer que bien souvent, certaines cannes déroulent plus que les autres. Dans un plein courant, la rivière continuera de balader cette nourriture sans qu’elle ne puisse correctement se caler.

ifférents diamètres de chambre à air suivant le calibre des pavasses.
Crédit photo : Julien Dalle

Les veines d'eau

Ce sont les artères secondaires du lit principal, les petites ruelles d’une ville aquatique. Elles offrent quelque part les mêmes caractéristiques que les périphéries du courant dominant, une largeur linéaire réduite avec une poussée d’eau moins soutenue qui offre des substrats différents et des remous bénéfiques pour la dépose de la nourriture naturelle. Les veines d’eau serpentent généralement entre les zones calmes ou le long des berges. Elles ont aussi le bénéfice de se situer souvent à proximité des herbiers qui sont eux-mêmes une bonne source potentielle de nourriture naturelle. Il est assez simple de distinguer une veine d’eau à la surface ou sur le fond. À fleur de miroir, l’eau prend des formes d’aspiration irrégulières. Sur le fond, le substrat possède une couleur différente, car le courant moins puissant ne parvient pas à le laver. Les caractéristiques communes de ces deux différents courants en font des spots privilégiés par les carpes qui y trouvent de quoi grailler dans une eau pas trop rapide et moins profonde que le lit principal. Les taux d’oxygène dissous y sont aussi souvent assez supérieurs que sur les zones calmes, raison de plus à ce que les carpes s’y attardent.

Un tapis d’algues vertes filamenteuses.
Crédit photo : Julien Dalle

Le lit des silures

L’omniprésence des silures dans les fosses du lit pousse aussi les poissons à en sortir pour trouver des zones moins fréquentées par les gros matous. Bien que les poissons cohabitent parfaitement avec les grandes moustaches, quand ces dernières sont en chasse, mieux vaut ne pas être sur leur route. Nous ne comptons plus le nombre de carpes, parfois même de grand gabarit, présentant des traces de morsures caractéristiques des silures. Échangeant régulièrement avec des pêcheurs de rivière qui aiment l’exploration et le côté sauvage de ces eaux (nous sommes une espèce en voie de disparition au profit de la pêche de rendement sur des eaux mortes oxygénées artificiellement, car elles contiennent plus de carpes que d’eau!), nous partageons globalement les mêmes convictions sur les pêches de courant. Il est assez clair que si les glanes sont installées sur la rivière, les zones calmes et le lit seront bien moins fréquentés par les carpes. Il faut donc, idéalement, s’orienter vers des postes clés où les silures ne s’aventurent pas trop fréquemment. Les périphéries de courant et les veines d’eau possèdent ces caractéristiques. J’y prends personnellement beaucoup moins de silures que dans le lit, les bras morts ou les spots calmes. Cet argument pèse lourd au vu des retours cauchemardesques de certains pêcheurs de rivières, qui prennent parfois jusqu’à dix silures avant de hisser une malheureuse carpe dans leur filoche. Les gros chats sont là, il faut faire avec, mais comme vous l’avez compris, sur certains spots comme ceux cités ci-dessus, on peut presque faire en sorte de les éviter. J’en veux pour preuve un constat simple: sur la Loire, ses affluents et quelques autres rivières que je pratique, je prends en moyenne un à deux silures à l’année sur environ 80 à 100 nuits par saison. Je veux bien entendre que sur les rivières linéaires avec des profondeurs régulières, le schéma ne sera pas identique. Dernièrement, un silure est même venu croquer une commune que je décrochais dans mon épuisette ! J’exploitais une veine d’eau et j’épuisais le poisson dans une zone calme, dans un petit mètre d’eau. C’est un dommage collatéral regrettable, mais réel, les glanes sont dorénavant les rois de la rivière, au sommet de la chaîne alimentaire. Pour conclure sur le sujet des silures, les courants intermédiaires ne les intéressent pas autant que les fosses et les spots calmes, sauf cas particuliers. Pêcher les petits courants adjacents permet ainsi de minimiser leurs prises.

Même les vieux poissons patauds osent s’aventurer dans les courants.
Crédit photo : Julien Dalle

Les solutions pour pêcher ces courants

Plusieurs solutions s’offrent à nous et deux facteurs principaux sont à prendre en compte. La poussée de l’eau et les débris végétaux transportés. Si les veines d’eaux et périphéries de courant sont entourées de zones calmes, un simple plomb suffira (bien que je lui préfère un caillou détachable). En revanche, si l’eau comprime trop les bannières ou charrie trop d’herbiers dérivants – et c’est un cas d’école en rivière –, il faudra s’adapter. Dans le cas d’un courant propre sans trop de débris, une pierre détachable au vu de son poids rendra notre piège opérationnel bien plus longtemps qu’un simple plomb, couler les bannières amènera plus d’efficacité, car le courant est toujours plus faible en profondeur. Dans certains cas extrêmes, il m’arrive d’utiliser des lests qui passent le kilo pour que ça tienne. Pour cela, les chambres à air de mobylette, fat bike ou mountain bike seront parfaites. Elles sont larges et permettent donc d’être couplées à de gros lests qui supporteront la pression exercée sur la bannière sans les déplacer. Généralement, une chambre à air de VTT ou de gros élastiques suffisent à entourer une petite pavasse de 300 grammes qui permet de faire tenir un montage. Les choses se compliquent avec les herbiers dérivants, que l’on peut classer en deux familles : les grands herbiers (renoncule aquatique, potamots, myriophylles, callitriches, jussies…) et les petites algues filamenteuses (algues vertes filamenteuses, algues brunes…). Dans les deux cas, ces plantes et algues aquatiques impactent sévèrement la pêche quand elles sont promenées par le courant. Elles viennent s’agglutiner sur la bannière et rendent vite le montage inopérant. Pour y remédier, la seule solution radicale que je connaisse est de pêcher en dérivation. Plusieurs solutions s’offrent à nous : en voici deux que j’ai retenues pour continuer à pêcher malgré ces herbiers baladeurs.

Le téléphérique (ou cassant) Bien connue des pêcheurs de rivière, cette technique est parfaite pour soustraire la bannière au courant et pêcher une berge ou une veine d’eau en reliant une attache à un point d’ancrage terrestre. Le principe est très simple et peu novateur: on attache notre pince déclencheuse à une branche et on y relie le montage préalablement déposé. J’utilise des pinces déclencheuses dédiées à la pêche à la traîne, que je trouve très simples d’utilisation, mais plusieurs autres solutions d’attaches existent.

Le piquet dérivant À utiliser dans les faibles profondeurs. Il a le gros avantage de remplacer la branche comme support pour la fixation de la pince déclencheuse, on est donc libre de le placer où on le souhaite. Le principe est exactement le même qu’avec un téléphérique : la bannière surplombe l’eau jusqu’au niveau de la pince. Les herbiers auront aussi tendance à s’enrouler autour du piquet sans compromettre la partie terminale de la pince au montage. Dans ces deux situations, je n’utilise que des pierres détachables qui autoferreront le poisson à l’éjection. De plus, se sentant libérée du lest, la carpe aura tendance à ne pas trop s’agacer et le pêcheur n’aura plus qu’à prendre le contact.

Un plomb de 300 grammes fait fluet à côté d’un caillou d’un kilo.
Crédit photo : Julien Dalle

En bref

Certaines alternatives permettent de prendre plus de poissons en rivière. Certains courants en font partie et permettent même dans certains cas de se payer le luxe d’éviter des poissons non désirés, tout en prenant plus de carpes. Ces courants ne sautent pas toujours aux yeux du pêcheur, car ils sont souvent loin des obstacles, mais ils sont régulièrement visités par les poissons. Un peu d’observation vous permettra de les dénicher et d’y trouver ainsi votre bonheur.

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