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Interview de Derek Harrison

Derek Harrison est sûrement l’un des pêcheurs les plus appréciés et respectés de la scène carpe internationale, un véritable spécimen hunter qui a consacré toute sa vie à cette passion.

Des canaux belges en passant par les grands fleuves, syndicats et grands lacs, il arpente les berges européennes avec la même passion depuis plus de 50 ans. J’ai eu la chance de rencontrer Derek il y a une petite dizaine d’années sur les berges de la Meuse. Le feeling est tout de suite passé et nous nous sommes revus plusieurs fois, ce qui a nourri une belle amitié. Aujourd’hui pour votre plus grand plaisir, Derek nous fait l’honneur de nous accorder une belle interview qui vous permettra de mieux connaître cette légende vivante de la pêche de la carpe.

Bonjour Derek, nous te remercions de nous accorder ce moment pour les lecteurs de Média Carpe. Peux-tu te présenter brièvement ?

Tout d’abord, je voudrais remercier Media Carpe de m’avoir demandé de participer à cette interview. Je m’appelle Derek Harrison. J’ai 67 ans. Je suis né et j’ai grandi dans le nord-ouest de l’Angleterre. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 28 ans, puis j’ai rencontré une charmante Néerlandaise qui allait devenir ma femme, et j’ai tout naturellement déménagé aux Pays Bas. J’y vis toujours avec bonheur et je suis également heureux en ménage. Nous avons deux enfants ensemble : Patrick et Kelly. Je n’oublierai pas de notre chien Flynn qui fait partie de la famille. J’adore voyager et je suis un peu photographe animalier. J’aime regarder tous les sports à la télévision, en particulier le football. Je suis depuis toujours un fan de l’Angleterre et de Manchester United, ce qui n’est pas toujours bien vu lorsque l’Angleterre doit jouer contre les Pays Bas.

Quand as-tu commencé à pêcher la carpe et comment tu t’y es pris ?

J’ai toujours pêché, et au début je pêchais sur tout le gardon, la perche et le brochet. Pour être honnête, je pêchais tout ce qui avait des nageoires. Peu à peu, j’ai commencé à pêcher la brème dans les réservoirs près de chez moi. J’ai également pratiqué la pêche en mer avec mon père. En hiver, nous sortions en bateau pour pêcher le cabillaud. Je peux vous dire que c’était glacial. Nous n’avions pas de vêtements appropriés à l’époque… brrr. Dans la région où j’ai grandi, il n’y avait pas de carpe. Bien sûr, je parle de 52 ans en arrière. Un jour, mon père m’a emmené sur un lac situé à environ 40 minutes de la maison. C’était un joli petit lac dans une vallée. Dans un coin, il y avait un lit de nénuphars. C’était la première fois de ma vie que je voyais une carpe. Dire que je suis tombé sous le charme est un euphémisme. J’ai demandé à un vieil homme qui pêchait à proximité ce que c’était. Il m’a répondu : « Ce sont des carpes, mon garçon » avant d’ajouter « mais on ne peut pas les attraper. » Je lui ai dit que j’allais essayer mais pour être honnête, je n’ai jamais réussi, au grand amusement des petits vieux. Quoi qu’il en soit, c’est ce qui a fait germer en moi l’idée d’essayer d’en attraper une. J’y suis retourné plusieurs fois sur mon vélo et j’ai longuement insisté, hélas sans succès. En y repensant, cela me fait toujours sourire. Un an plus tard j’en ai finalement attrapé une, dans un autre lac près de chez moi. Je crois que je n’ai jamais été aussi fier de ma vie ! Je voulais la ramener à la maison pour la montrer à ma mère. Mais bien sûr je l’ai remise à l’eau parce qu’elle n’aurait jamais supporté le voyage jusqu’au retour. La carpe ne devait peser que 2 ou 3 kg, mais pour moi, c’était une géante. Chaque fois que j’ai raconté l’histoire par la suite, le poisson était de plus en plus gros. C’est ainsi que je me suis initié à la pêche à la carpe il y a plus de 45 ans. Mais mon véritable intérêt pour la pêche à la carpe a commencé il y a 42 ans, lorsque j’ai déménagé aux Pays Bas. Ce poisson y était bien plus abondant que dans le nord-ouest de l’Angleterre.

Quels pêcheurs ont directement influencé ta pêche à la carpe et pourquoi ?

À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’informations disponibles. Il n’y avait que des gens comme Richard Walker et Jack Hilton. Il ne faut pas oublier que le cheveu et les bouillettes n’existaient pas. Il n’y avait que du pain et des appâts en pâte, que nous utilisions sur de gros hameçons émoussés. C’était un miracle que de pouvoir attraper quelque chose (rires). Finalement, les bouillettes sont apparues et des gens comme Kevin Maddocks et le regretté Rod Hutchinson ont illuminé la scène. Je pense donc que ce sont ces deux-là qui m’ont le plus influencé. Kevin à cause de son livre « Carp Fever ». Mais c’est Rod qui m’a influencé le plus. Je dévorais tout ce qu’il publiait. S’il existait un héros, ce serait lui. Si vous avez l’occasion de vous procurer le livre « The Carp Strikes Back », achetez-le ! C’est à mon avis la bible de tous les livres sur la carpe. Ce type était très en avance sur son temps dans le domaine de la pêche à la carpe. Et il avait aussi un grand sens de l’humour !

Quand as-tu commencé à te concentrer sur les très grosses carpes ?

J’ai toujours aimé pêcher les carpes, petites ou grandes. Aujourd’hui encore, la notion de gros poisson dépend du type d’eau que vous pêchez. Vous ne pourrez pas attraper une carpe de 20 kg si elle n’est pas dans le lac, n’est-ce pas ? Autrefois, il y avait très peu de poissons de plus de 20 kg aux Pays Bas. C’est vers 1985 que j’ai commencé à me concentrer sur la capture de grosses carpes. C’est cette année-là que je suis allé jusqu’au sud de la France, au désormais célèbre lac Saint Cassien. Je ne dis pas que j’ai attrapé quelque chose de grand, mais c’est à ce moment-là que j’ai commencé à penser à des carpes plus grosses que la moyenne.

Aimes-tu pêcher en France, et si oui, peux-tu nous dire pourquoi ? 

Un dicton bien connu dit que l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Autrefois, si l’on voulait avoir une chance d’attraper de plus grosses carpes, il fallait venir en France. Aujourd’hui, il y a désormais des grosses carpes un peu partout. Mais cela ne veut pas dire que je n’aime pas venir en France de temps en temps. J’aime la beauté du pays, le rythme de vie, les gens qui y vivent et, bien sûr, les belles carpes.

Quelles ont été les différentes destinations de pêche dans ta vie et quelles sont celles que tu aimerais visiter ?

Au fil des années j’ai pêché dans pas mal d’endroits, pas seulement la carpe mais aussi d’autres poissons. Parmi les endroits que j’ai visités, il y a les lacs, les rivières et les canaux de Hollande et de Belgique. Ce sont des eaux que je connais très bien pour les avoir pêchées pendant des années. Les canaux des deux régions de Belgique (Flandre et Wallonie) font plus de 1 600 km de long, ce qui représente une sacrée quantité d’eau. Vous pourriez passer une vie entière à les pêcher sans savoir ce qui nage devant vous. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime les canaux de Belgique et j’ai eu la chance d’en pêcher pas mal dans ma vie. Et que dire des Pays Bas ? Il y a de nombreux lacs (naturels et artificiels), des petits étangs à l’immense IJsselmeer qui couvre une superficie impressionnante de 1 133 km2, et bien sûr beaucoup de rivières et de canaux. Je n’ai fait qu’effleurer le sujet au cours de mes nombreuses années de pêche. Mais ce qui était très différent, c’était un lac très profond et très grand en Italie. Le lac Bracciano est un lac volcanique d’un périmètre circulaire de 32 km, alimenté par des sources souterraines. Le point le plus profond est à 165 mètres, ce qui en fait le lac le plus profond que j’ai jamais pêché. Comme vous pouvez l’imaginer, nous avons surtout pêché les bordures. Nous avons eu la chance d’attraper quelques carpes, rien d’énorme mais des carpes quand même. Quelques-uns de mes amis italiens ont eu de beaux poissons au fil des ans, mais ils étaient peu nombreux. Je pense que la raison en est que l’eau est froide à cause des sources souterraines, mais quel fabuleux lac à pêcher. Une autre fois, j’ai passé deux semaines au Maroc au lac Bin El Quidane, en hiver. C’est un lac aux paysages magnifiques, dans les montagnes de l’Atlas, qui offre des vues spectaculaires au coucher du soleil. J’ai également pêché en Autriche, jusqu’à 50 lb en Allemagne, au Canada, aux Acores, à Madère et au Cap-Vert pour pêcher les poissons d’eau douce et de mer. À l’avenir, j’aimerais aller en Espagne pour pêcher sur certains des grands lacs du pays. J’aimerais également retourner en Allemagne et en Autriche. Et peut-être un jour retourner à Cassien et à Orient.

Comment abordes-tu la pêche ? Te concentres-tu sur les montages, les appâts ou le lieu de pêche et son histoire ?

Je consacre beaucoup de temps et d’efforts à ma pêche : de la préparation à l’observation des eaux, en passant par les nombreux déplacements et en n’ayant pas peur de nager si je vois du poisson. Pour le reste il se peut que je choque quelques personnes avec ce que j’ai à dire sur les montages et les appâts. Il n’existe pas de montages ou d’appâts miracle. Mais ne vous méprenez pas, il existe de bons montages et de bons appâts. La seule chose importante à mes yeux est le temps et l’effort que vous consacrez à votre pêche. Ne vous attendez pas nécessairement à me voir avec les derniers montages à la mode que l’on trouve dans tous les magazines ou sur YouTube. En ce qui concerne les montages, j’aime les choses simples. Je pense que la chose la plus importante est un hameçon bien aiguisé. La raison en est que les carpes n’ont pas de main et qu’elles doivent donc saisir l’hameçon avec leur bouche. Avec un hameçon très pointu, la carpe se pique elle-même. Cela signifie normalement que vous avez une chance d’attraper un poisson. Comme je l’ai dit, c’est simple. Certains seront peut-être surpris d’apprendre que je roule toujours mes propres appâts au lieu d’utiliser des appâts prêts à l’emploi. Le raisonnement derrière les appâts fraîchement roulés est qu’après environ trois jours, ils commencent à se modifier. Les sucres et les aminos se libèrent et attirent les carpes. Je ne pense pas que cela se produise avec les appâts prêts à l’emploi. Cela prend beaucoup plus de temps. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas attraper de carpes avec des appâts prêts à l’emploi, mais c’est juste ma préférence pour les appâts fraîchement roulés. Je dois préciser que mes sessions de pêche durent généralement 3 à 4 nuits maximum. Si je prévoyais une session plus longue, comme un voyage en France, j’emporterais des ready-mades parce qu’ils sont plus pratiques.

Comment aborderais-tu un nouveau lac ?

Tout d’abord, il se peut que je passe quelques jours à me promener et à observer. Ensuite, je passerai quelques matinées avant le lever du jour à essayer d’écouter et de localiser les carpes. Si j’ai remarqué quelque chose, je commence à pêcher. Si je n’ai rien trouvé, je commencerai par la rive ouest, car c’est normalement là que se trouvent les premiers rayons de soleil. Mes périodes de pêche les plus productives se situent normalement deux heures avant le lever du soleil et jusqu’à 10 heures du matin. Mais dans le sud de la France, il m’est arrivé d’attraper d’énormes poissons au milieu de l’après-midi, dans la chaleur de la journée. Il n’y a donc pas vraiment d’heure fixe. Vous pouvez attraper une carpe à chaque heure de la journée.

As-tu des partenaires et des sponsors et est-ce important pour toi ?

J’ai la chance et le privilège d’être parrainé depuis longtemps. Je suis très reconnaissant envers tous mes sponsors d’avoir eu confiance en moi pendant toutes ces années. En ce moment, je suis officiellement sponsorisé par Korda, Mainline, Navigator Baitboats et Pro Line Baits. Quelques autres sociétés m’aident en cas de besoin. Les avantages sont que j’ai normalement l’occasion de voir et d’utiliser le matériel que mes sponsors développent avant le grand public. C’est aussi un soutien financier appréciable pour couvrir une partie des coûts liés à notre passion.

Y a-t-il quelque chose que tu n’as pas fait dans le domaine de la pêche ? Quelles sont tes ambitions ?

J’espère pouvoir faire encore quelques sorties de pêche depuis le bateau, surtout sur une rivière, ce que je n’ai jamais fait auparavant. Vous devez avoir un énorme avantage à pêcher à partir d’un bateau plutôt qu’à partir de la rive. Il n’y a rien de mieux que de passer quelques jours sur l’eau. De plus, je n’ai jamais attrapé de carpe à la mouche. Ce doit être un vrai plaisir d’attraper une grosse carpe ainsi. J’aimerais explorer plus d’eaux encore et je suis convaincu que je vais attraper un nouveau record personnel avant de raccrocher mes cannes.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes pêcheurs d’aujourd’hui ?

Je vois pas mal de jeunes qui veulent immédiatement attraper des carpes massives. S’ils n’y parviennent pas, ils se découragent et arrêtent de pêcher. J’ai constaté une forte tendance dans ce domaine. Mon conseil est d’aller pêcher, de s’amuser et de prendre du plaisir à attraper des carpes. Et si vous continuez à en attraper et à acquérir de l’expérience, elles de viendront de plus en plus grosses.

Comment vois-tu l’avenir de la pêche à la carpe ?

Qui aurait pensé qu’il y aurait un jour une carpe de 100 lbs (plus de 45 kg) ? Et qui sait un jour l’aiguille dépassera la barre des 150 lbs (plus de 68 kg) ? Je pense que la pêche de la carpe restera très populaire dans les années à venir et que de plus en plus de lacs se transformeront en syndicats. Personne ne peut prédire l’avenir, mais je pense que l’avenir de la pêche de la carpe est très prometteur. Et qui sait, il y aura peut-être même une pêche de la carpe en salle à l’avenir. Ainsi, les vieux garçons comme moi pourront encore pêcher la carpe en hiver. Ce serait quelque chose !

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