C’est l’heure où s’éteint le couchant,
L’heure de la nuit et du rêve
Où parlent les flots et le vent.
D’hier ou bien de jours sans nombre,
Voici tout le passé dans l’ombre,
Tout, sans cesse se transformant.
Louise Michel
A partir de la pleine eau, pour exploiter les berges encombrées ou les roselières on respectera un retrait suffisant pour demeurer discret, souvent on est dans la fourchette de 20-40 mètres. C’est au cas par cas. J’en profite pour rappeler les bonnes habitudes de pêche devant les obstacles : jamais de nylon en corps de ligne mais une tresse forte terminée par un arraché en 70 centièmes minimum. Les freins sont complètement serrés car le poisson doit être bloqué immédiatement et ne jamais prendre de vitesse. Niveau hameçons, on préfèrera les ouvertures larges et les grandes dimensions. Tant de choses ont déjà été écrites là-dessus, je fais service minimum et ne m’y attarde pas mais rajouterai que l’on ne prendra l’annexe que pour aller épuiser la carpe, en raison des cordes d’ancrage qui ne permettent pas de ramener le poisson au bateau. C’est pour cela aussi que la distance entre la berge et le bateau « mère » doit être suffisante, car il faut qu’entre les deux la place soit claire et saine pour réaliser un combat en pleine eau à partir de l’annexe.
Un bref détour par les rivières et fleuves. Un seul point d’ancrage peut suffire à se placer dans le courant pour pêcher l’aval. Le niveau de risque de collision est élevé avec les embarcations tierces qui peuvent ne pas vous voir, ou vous contourner. Ceci pourrait faire l’objet d’un article à part entière tant les configurations rencontrées peuvent être variées, selon que l’on aborde une petite rivière ou une plus grande, son encombrement, l’allure des rives…
Pêcher en bateau, mais du bord !
L’exemple qui me vient immédiatement en tête, ce sont les pêches de réservoir à l’automne. Il y a la version classique, option A, qui consiste à planter l’abri dans la glaise couverte d’algues séchées. C’est joli quand on arrive, au soleil des grands espaces aubois. Mais après une première averse et 24 heures passées sur place, on patauge dans la vase.
C’est Verdun. Chaque pas demande un effort pour s’arracher de la boue, les wadders sont ouvertes au pied du bed qui s’enfonce jusqu’à la garde. Tout est sale. Tout est collé ici comme le carpiste, le derrière posé sur une souche. Autour du biwy on aura peut-être pris soin de creuser une tranchée pour que le ruissellement de l’eau le contourne. Je passe sur tout le barda coûteux qu’il aura fallu traîner jusqu’ici, et qu’il faudra bourrer à l’arrière du break, pour tout nettoyer et sécher une fois rentré… Rien que d’y penser un frisson me parcourt l’échine. Option B : Je m’installe dans le bateau et ne mets plus un pied à « terre », sinon pour aller chercher des trompettes. Je vous invite à regarder sur le net les aménagements possibles, dans des pneumatiques de bonne dimension (disons à partir de 3.20m), il est possible de s’installer vraiment bien. Et oui, tout bêtement on peut aussi pêcher en bateau du bord même sur une bordure classique, simplement pour ne pas avoir à monter d’abri et gagner en mobilité, en rapidité, en plaisir. Quel pied de n’avoir qu’à s’échouer dans les herbes, lancer une mauvaise ancre au nez du bateau, et tout de suite partir déposer. C’est aussi l’avantage du zodiac : rapidité de mise en œuvre, extrême mobilité, bonne discrétion.
Pour faire un comparatif avec le bateau cabine, il lui est préférable sour l’aspect « facilité de mise à l’eau », et aussi transport, stockage. Plus question de faire 600 bornes pour s’apercevoir que la mise à l’eau est à 2 mètres sous la cote minimale, et que l’on peut rentrer chez soi ! Bien sûr on est loin du confort des bateaux cabines, qui à juste titre sont en train de susciter de nombreuses vocations de marins d’eau douce. J’aurais bien fait le pas, mais avec la pêche du bar que je pratique ici en Normandie, ça commence à faire beaucoup. Et puis il y a toutes les batteries à traîner, là où le thermique est interdit. Mais je suis très amusé de voir toutes les idées de restauration qui surgissent, à partir de vieilles embarcations : des aménagements vraiment réfléchis, et l’apparition de produits spécifiques dédiés aux pêches en bateau. En espérant que le phénomène évolue raisonnablement.
J’attaque la falaise
J’attaque la falaise, et le dernier chapitre de ce petit papier ! On a parlé de la pêche du bord en bateau, rien de bien compliqué en somme, on s’échoue et on fait comme on a l’habitude de faire du bord. Là où cela devient un peu plus technique, c’est lorsque l’on souhaite se poser le long d’enrochements, d’éboulis, de falaises, comme c’est souvent le cas sur les barrages. C’est d’ailleurs souvent cela que l’on recherche, des zones de quiétude pour les carpes qui soient inaccessibles par les pêcheurs du bord.
Sur ce type de rive, on va trouver des ronciers, des arbres en surplomb ou tombés, des amas de pierres, des blocs, et parfois des falaises bien escarpées. Les toiles PVC ne sont pas adeptes de ce genre de traitement, il est donc nécessaire de s’écarter de la rive de quelques mètres. D’expérience, c’est une situation qui peut être risquée car il faut tout d’abord mettre le bateau en sécurité pour ne pas qu’il parte, et ensuite trouver un solide point d’ancrage sur la berge pour amarrer la proue. Donner une solution toute faite me paraît hasardeuse car il y a mille scénarios différents, selon que l’on souhaite se fixer à une grosse branche, un bloc de béton. On rencontre aussi différentes qualité pierres, plus ou moins dures ou friables (granit, schiste, calcaire…). Dans tous les cas, on choisira quelque chose de très solide qui ne risque pas de casser, de glisser, de tomber à l’eau.
Aujourd’hui j’utilise deux systèmes qui me conviennent, le premier c’est simplement un disque de musculation de 5kg que je viens coincer dans une infractuosité, ou derrière une souche. Le second, ce sont des pitons de de forte section fabriqués sur mesure dans un atelier de chaudronnerie, et que je plante au marteau dans la falaise. Par précaution je les double systématiquement. Si la corde est susceptible de frotter, mieux vaut prévoir une longueur de chaîne métallique à intercaler. Il existe d’autres possibilités, comme par exemple un système de bouée flottante prise sur une ancre, elle-même reliée à la berge. Cela semble très bien fonctionner mais là encore pour des raisons logistiques et de discrétion je préfère faire autrement.
Pour l’arrière du bateau « mère », il suffit de poser 2 ancres à quelques mètres du bateau, de façon à former un Y, comme nous l’avons vu sur les pêches de pleine eau. Pour ce faire, de façon à rester discret et poser proprement, j’utilise le bateau « satellite » en faisant doucement descendre les masses. C’est plus propre que de les laisser descendre à l’aplomb, quoique cela puisse se faire aussi.
Voilà, on arrive à la fin de ce petit tour en bateau. Je n’ai pas plus de conseils à vous donner, si ce n’est de prendre le temps de bien vous renseigner auprès de ceux qui pratiquent déjà, et de démarrer doucement avec des ambitions contenues. Il est aussi très sympa de pêcher à deux, ce qui est bien mieux au point de vue sécurité. Cela permet de peu à peu se faire la main, d’échanger, d’apprendre ensemble. Etre deux, cela permet aussi de trinquer au champagne à 6 heures du matin sur les rives de sable frais pour fêter une grande carpe, et célébrer ce soleil rouge qui perce l’horizon. Il se lève aussi sur les falaises de Vouglans et réchauffe déjà sûrement les profondeurs de la forêt d’Orient, nos souvenirs et nos quêtes d’aventures. Merci de nous avoir tant fait rêver, merci.