Le caractère opportuniste du silure est une source d ’inspiration sans fin quant aux techniques de pêche permettant sa capture. En France, historiquement, sa traque débuta au posé, à la plombée, avant l’émergence de techniques plus dynamiques comme les pêches aux leurres ou en verticale. Diverses évolutions de ces trois approches initiales sont toujours plébiscitées. Mais, en parallèle, d’autres spécialistes tentent d’amener vers leur propre univers le plus grand poisson vivant dans nos eaux douces européennes.
Pour la touche
Je pense en particulier aux carpistes par exemple, et plus récemment encore aux pêcheurs au coup à la grande canne et même, plus improbable encore, à certains moucheurs, notamment Jean-Charles Maurs (NDLR : que nos lecteurs avaient découvert dans notre n° 895 de décembre 2019). Pour ce siluriste atypique et chevronné, ce n’est pas tant le nombre de silures capturés ou leur taille qui compte mais bien la qualité explosive de la touche. La capacité de cette technique à faire monter de si gros poissons sur ses créations maniées au fouet, c’est la corde sensible de Jean-Charles. La traque se termine donc toujours dans la couche d’eau supérieure, entre la surface et les cinquante premiers centimètres. Si vous comptez suivre les traces de notre moucheur, choisissez donc un parcours garni de nombreuses caches de surface : tapis herbeux, souches, berges creuses ou encore belles frondaisons.
Les bons moments
La période allant de la toute fin du printemps jusqu’au début de l’automne est la plus favorable. Une température d’eau dépassant les 18°C garantit une bonne activité des silures. Lorsqu’elle dépasse 25°C et que le taux d’oxygène dissout baisse, les veines bien courantes et les brassages (arrivée d’eau, rupture de pente) deviennent alors des postes de premier choix. Pour Jean-Charles, tout commence dès la réalisation de ses imitations, à la fois grosses mouches, streamers et leurres. À ce jour, il n’existe quasiment pas d’univers silure à la mouche ni chez les fabricants ni chez les détaillants. Il faut se débrouiller. Montées sur un hameçon simple n° 8/0 à 10/0, les premières mouches spéciales silures de Jean-Charles mixent fibres synthétiques et poils de lapin, et sont équipées d’un trailer (une palette) monté sur un brin de fluorocarbone sleevé de gros diamètre (80 à 100/100). Comme les épais tapis de couverture végétale sont des caches de surface à prospecter en priorité, Jean-Charles rabat un second brin de fluorocarbone autour de l’hameçon en guise d’élytre anti-herbe. Ce brin limite considérablement les risques d’accroc indésirable et s’écrase sans problème sur un ferrage appuyé pour libérer la pointe de l’hameçon. Pour que la présentation soit parfaite, Jean-Charles monte en queue des pop-ups flottantes de carpistes. Cela renforce l’équilibre de l’imitation qui évolue en position horizontale, à la traction comme en descente libre, sans animation. Le pêcheur n’intervient ici d’aucune manière mais c’est pourtant dans cette phase que survient la majorité des attaques. Pour diversifier ses propositions, le siluriste redouble de créativité, réalisant également des poppers, des buzzbaits et autres imitations de grenouilles, toutes étant capables de générer un maximum de stimuli sonores en surface.
Rayons mer et exo
Pour pêcher un peu plus creux, il mise sur une palette de chatterbait à l’avant du montage et un wiggle tail volumineux, long et très volatil en trailer. Tous ces leurres sont montés sur une armature intégrale traversante dite full wire, conférant une résistance optimale adaptée à la violence des rushes de ces poissons piqués en surface. Pour lancer tout cela, c’est vers les rayons pêche en mer et exo qu’il est nécessaire de se tourner.
Bien s'équiper
Pour les cannes, des 4 brins de 8 pieds ou plus, pour soies n° 12 et 14 sont parfaites. Comme pour le spinning ou le casting, si vous débutez, privilégiez plutôt les blanks contenant de la fibre de verre, comme celui de l’Epic Boca Grande 12 (Lavaux), par exemple. Ils sont certes un peu plus lourds que les 100 % carbone mais la fibre apporte souplesse et résistance tant les contraintes mécaniques sur les rushes des silures peuvent être importantes. Ces propriétés sont bienvenues quand un poisson revient dans notre direction et passe sous le bateau ! Concernant le moulinet, les produits destinés à la recherche des tarpons, carangues, et autres requins, type Mirage 7-8 (Orvis), sont tout indiqués. Dans cette taille, il devrait permettre de recevoir, en plus d’une soie n° 12, un long backing de 50 lbs.
Action !
La bonne période étant là et bien là, les bons biefs sélectionnés et le matériel préparé avec soin, place à l’action. Le gros avantage de cette pêche au fouet, c’est la rapidité et l’efficacité de prospection en power fishing. Les posés peuvent être multipliés très rapidement autour d’un même obstacle. Lorsque je pêche en casting sur un même bateau, à côté de Jean-Charles, par exemple, il peut réaliser jusqu’à quatre posés de son imitation pendant que j’en fais un seul avec mon leurre. Cette fréquence élevée de présentation, par son rythme et sa répétition, est une méthode assez unique pour susciter la curiosité et l’approche de silures présents sur le poste. Lorsqu’un individu se décale pour suivre la mouche, Jean-Charles procède par une série de tractions courtes et assez sèches, entrecoupée d’assez longues pauses. Et c’est bien entendu lors de ces pauses qu’intervient le plus souvent l’attaque tant attendue. On comprend alors aisément l’importance du comportement de son imitation qui peut être, au choix, flottante, suspending ou coulant lentement. À l’image de la pêche aux leurres, c’est en pratiquant encore et encore que les choix et les stratégies s’affinent jusqu’à déclencher vos premières touches de silures.
Adrénaline
À la mouche, en surface, bien souvent à vue après une phase d’approche ou de suivi dans très peu d’eau, l’extase et l’adrénaline sont alors garanties, et plutôt deux fois qu’une !
Mécanique et moteur sans hélice
Jean-Charles n’utilise pas de télécommande électronique comme les pêcheurs de carnassiers pour piloter son moteur électrique avant mais une commande mécanique par pédale et câbles. En plus de libérer ses deux mains en permanence, ce type de commande se révèle bien plus réactif. La précision de la tenue de l’embarcation est bien meilleure pour ces pêches rapides dans les obstacles et les postes de surface.
L’embarcation de Jean-Charles est d'ailleurs totalement pensée et équipée pour ce type de pêche au fouet. Le moteur thermique est équipé d’une turbine hydrojet, un peu comme les jet-skis. Dépourvu d’hélice, le bateau bénéficie d’un tirant d’eau extrêmement faible ce qui lui permet de franchir des radiers et d’atteindre des zones très peu profondes sans problème, là où un moteur hors-bord classique à hélice ne peut passer.