C’est en plein centre de Lyon, en bord de Saône, que nous avons suivi Sébastien lors d’une de ses sessions matinales avant sa journée de travail au magasin de pêche de Lentilly. L’emplacement retenu, une fosse de plus de 8 m de fond sous la canne, a été copieusement amorcé depuis quelques jours. L’installation commence dans la pénombre, afin d’être opérationnel une demi-heure avant le lever du soleil comme l’autorise la loi. « Les silures sont très actifs la nuit et il n’est pas rare d’enregistrer une touche dès les premières passées. En général la messe est dite vers 9 h. Dommage d’ailleurs que l’on ne puisse pas les pêcher en nocturne ! », m’explique-t-il tout en montant rapidement son matériel descendu sur le quai à l’aide d’un grand chariot.
Matériel hors-norme
Sa canne de 11,50 mètres est une Atomica WRK spécial spécimen de Colmic rigide et ultra puissante, parmi ce qui se fait de plus costaud sur le marché. Avec presque 9 m de fond, la ligne mesure un peu moins que la longueur de la canne. Sébastien n’aura donc pas à déboîter, ce qui est plus prudent avec les joggeurs. Le courant est léger mais la boulette de pâte, qui va servir d’esche, doit être complètement immobile d’où le choix d’un gros flotteur plat. La ligne est montée en 0,60 mm. Plus impressionnant encore est la taille de l’élastique « 7 mm de diamètre plein, autrement dit l’équivalent d’un élastique de fronde, souligne Sébastien avec malice. Il faut que cela amortisse le ferrage mais ensuite il ne doit pas trop sortir sinon il est impossible de décoller les silures du fond. »
La partie de pêche commence alors que le jour se lève à peine. Comme prévu, la première touche ne se fait pas attendre. À peine la ligne positionnée, alors qu’il n’a même pas encore réactivé son coup, Sébastien touche un premier silure. Saisi par la courbure de la canne, je commence à faire crépiter mon appareil photo. Sébastien me refroidit rapidement en m’annonçant que c’est un « petit ». En deux minutes seulement le glane est maîtrisé. Il est estimé à 90 cm par notre champion. « Un bon début mais ce n’est pas ce gabarit que je suis venu chercher aujourd’hui », précise-t-il.
Souvent seul
Une boulette de pâte de la taille d’un œuf est remise sur l’hameçon et la partie de pêche reprend. Sébastien maîtrise bien la technique du flotteur plat : il utilise les cinq encoches de sa barre d’amorçage pour faire varier le positionnement de son esche dans la coulée. Le coup est régulièrement alimenté avec des bouillettes. Quelques touches peu franches sont enregistrées, probablement des carpeaux ou des grosses brèmes. Bref rien d’intéressant pour notre specimen hunter. Nous prenons le temps de discuter du potentiel halieutique de la région lyonnaise. « Avec la Saône, le Rhône et le canal de Miribel, les possibilités de pêche en rivière dans le domaine public sont importantes. Et pourtant, je suis très souvent seul au bord de l’eau. Beaucoup de mes confrères pensent qu’il n’y a plus de poissons or il suffit de bien préparer son coup pour les faire rentrer. En Saône particulièrement, toutes les fosses tiennent des silures de toutes tailles et la pêche à roder au vif sans préparation est aussi très rentable. »
Casse en 0,60 mm !
Légèrement déconcentré par notre conversation, Sébastien rate une vraie belle touche. Un peu agacé, il se remet dans sa bulle, persuadé que des silures viennent de remonter sur le poste. Trois minutes plus tard le flotteur s’enfonce franchement. Le ferrage appuyé est immédiat. L’élastique se tend : « Cette fois c’est gros, très gros même. » Un combat de titans s’engage alors. C’est vraiment impressionnant et les passants ne peuvent s’empêcher de ralentir devant le spectacle. Sébastien est obligé de s’accroupir, le talon sous les fesses, de manière à pouvoir résister à la force de remorquage. La canne est à la limite de la rupture et on entend le carbone craqueter. Paf, décroché ! Sébastien, dépité, ramène sa ligne, c’est l’empile qui a cédé constate-t-il : « J’ai commis une erreur en pratiquant en Nylon pensant que c’est plus discret que la tresse. C’est une fausse bonne idée. La preuve : je viens de perdre un très beau poisson. » Un bas de ligne tout neuf confectionné en tresse de 0,55 mm est monté et la machine se remet en route.
Malheureusement, la touche suivante se fait attendre et la fin de partie de pêche fixée à 9 h approche. La réussite du reportage semble compromise mais c’était sans compter sur la ténacité de Sébastien. Il décide de sortir son sondeur Deeper pour quadriller la zone amorcée. La présence de plusieurs gros poissons est confirmée à l’écran. Le voilà rassuré et remotivé.
Sur le fil
Il lui reste un petit quart d’heure pour en capturer. La canne qui repose sur le support est tenue fermement dans les mains. Malgré les vaguelettes et le courant, la ligne ne bouge pas d’un centimètre. À 8h46 exactement l’antenne s’enfonce. Après un ferrage ample, le combat s’engage. Sébastien, qui sait qu’il tient le silure du jour, se lève tout de suite de son siège de manière à être plus libre de ses mouvements. Il peut aussi faire varier les angles de traction et n’hésite d’ailleurs pas à courir le long du quai lors des rushs.
Au bout d’une dizaine de minutes ultra sportives, le poisson commence à montrer des signes de faiblesse. C’est à la main en tirant la tresse comme une corde que le combat se termine. « Avec les risques de casse pour les éléments quand il y a trop d’angle et les promeneurs qui sont nombreux, je n’ai pas le choix. Je dois mettre la canne quasiment parallèle à la berge », m’explique-t-il un peu fatigué mais très content d’avoir pris sur le fil un silure d’1,82 m. Avec une canne au coup, faut-il le rappeler !
Pêche au vif à la grande canne, le nouveau défi
Sébastien est toujours en quête d’expériences innovantes. Il pense qu’il y a probablement moyen de capturer, toujours à la canne à emmanchement, des silures plus gros encore (son record est à 2,40 m), au vif sur un poste préparé à l’avance. Il s’est d’ailleurs déjà fait chiper des brèmes ou des carpeaux, et même un petit silure une fois, en pêchant les glanes. Selon lui, un chevesne de 35 cm serait parfait, il serait disposé sur un montage type pole feeder sans flotteur comme ceux qu’il utilise pour les gros barbeaux du canal de Miribel. Le vif serait ainsi maintenu dans la zone d’amorçage, là où les silures viennent chasser et il sélectionnerait les plus beaux sujets. Affaire à suivre.