En hiver, dans des conditions d’étiage et d’eaux froides (moins de 7°C), quand le soleil peine à réchauffer la surface, le métabolisme du silure tourne au ralenti. Il modifie significativement ses habitudes de vie, passant de longs moments dans une sorte de somnolence léthargique.
Un B ou un V
Certains individus s’envasent tout ou partie, pour préserver un maximum de chaleur corporelle. Les plus petits de moins du mètre semblent avoir disparu de la rivière, on ne les retrouvera qu’au printemps suivant. D’un point de vue neurophysiologique, un animal en hibernation (avec un b) abaisse son état de vigilance jusqu’à une léthargie très prononcée. Seules restent actives les petites zones cérébrales dédiées à ses fonctions vitales. En hivernation (avec un v), l’animal (notre grand silure ici) abaisse son état de vigilance à une somnolence parfois longue mais pendant laquelle l’ensemble de son cerveau reste tout à fait réactif. Il est donc en capacité, si le contexte l’impose, de se réveiller parfaitement. Cela signifie qu’au cours de l’hiver, il va devoir, de temps à autre apporter quelques calories à son organisme, donc s’alimenter.
La taille des appâts
S’il n’est pas totalement léthargique, l’organisme d’un gros silure fonctionne tout de même au ralenti, rien à voir avec la belle saison. Pour la pêche, deux paramètres doivent être pris en compte, en premier lieu la taille des bouchées proposées. Le métabolisme et la digestion étant ralentis, décomposer une grosse proie pour en tirer des calories devient laborieux pour le silure. En pisciculture extérieure, certains spécialistes conseillent par exemple de ne pas nourrir du tout les poissons en plein hiver pour éviter que la nourriture pourrisse dans leur estomac, faute d’un métabolisme digestif suffisant. Comme je cherche à viser des poissons d’au moins 1,80 m, je vais opter pour des appâts de taille moyenne (12 à 25 cm). Second paramètre : le rayon d’action du poisson qui découle du ratio calories dépensées-calories engrangées (ou ratio effort-bénéfice), une donnée que les pêcheurs de truite connaissent bien. En privilégiant d’assez petits appâts, il est impératif que cette bouchée soit une véritable aubaine, ne requérant en fait que peu d’énergie à dépenser pour le silure. Cela peut être un poisson ou son imitation à l’agonie, un bouquet de vers, une lanière d’encornets sur le fond, traînant devant sa gueule sans donner de grands signes de vie, faciles à attraper.
La stratégie
Pour toutes ces raisons, je privilégie une pêche verticale pour la précision, la capacité d’insistance et l’efficacité optimale en cette saison. En hiver, un petit poisson à l’agonie n’envoie pas de signaux vibratoires puissants. J’utilise donc des appâts naturels morts ou peu mobiles, ainsi que des leurres souples sans nécessairement ressentir le besoin de les faire travailler avec de fortes vibrations comme en été. En fait, mon animation préférée à cette époque de l’année, c’est de ne pas animer du tout ! Je soutiens simplement la présentation, au plus proche des moustaches des silures, sans rien faire de plus. Je reconnais que c’est une inaction difficile à accepter mentalement pour les pêcheurs actifs qui officient à la belle saison. Mais ce n’est sûrement qu’une demi-surprise pour les verticaliers spécialistes du sandre qui connaissent la faculté de leur poisson fétiche à ramasser un leurre en plastique alors qu’il gît simplement sur le sol.
Le décider
Aussi, le siluriste hivernal doit acquérir une bonne confiance dans cette inaction assumée. Si le mouvement et les vibrations ne sont donc pas les stimuli à privilégier, toute présentation, même inerte, doit pouvoir intéresser un silure. Par l’utilisation d’un appât naturel ou d’attractants, la présentation doit pouvoir stimuler un poisson olfactivement d’abord via ses deux paires de narines, mais également gustativement ensuite par l’intermédiaire des barbillons, véritable cerveau du silure. Même sans vibrer, le montage va forcément déplacer une masse d’eau et être capable d’exciter les organes électrosensibles des silures, les fameuses ampoules de Lorenzini. Si le contenu de ces messages sensoriels indique au cerveau du silure la présence d’un élément peu mobile et comestible, il est alors probable que celui-ci sorte un peu de sa torpeur pour venir y goûter.
Matériel plaisir
Compte tenu de tous les éléments stratégiques et environnementaux, cette pêche en verticale d’hiver est agréable à mettre en place pour sa finesse et sa légèreté, rares dans l’univers silure. J’opte pour une canne spinning maniable de 100-200 g de puissance en moyenne – Wild Cat’z Vertical (Black Cat) ou White Vertical 190 (MadCat) – équipée d’un bon moulinet en taille 4000 sur lequel je vais compter beaucoup plus sur sa légèreté que sur sa robustesse – type Biomaster SW (Shimano) ou Saltist MQ 2021 (Daiwa) – car la défense des silures est largement engourdie en cette saison par le froid. Un frein de 10 à 12 kg convient parfaitement dans ces conditions d’étiage hivernal. Je le garnis d’une tresse 8 ou 12 brins, diamètre de 35 à 45/100, une J-Braid x8 (Daiwa) 42/100 ou Saltiga 12 Multicolor (Daiwa) 35/100.
Il faut soigner
Je privilégie ces tresses bien serrées et bien rondes de manière à ce qu’elles coupent facilement la colonne d’eau pour rester toujours très précis dans la présentation de mes montures. Des montures que par ailleurs je soigne à l’extrême car dans cette pêche extra-lente, les poissons ont tout le temps d’analyser la situation. Je choisis avec soin le profil de lest qui permet une bonne stabilité de présentation, bon compromis entre hydrodynamisme et équilibrage. Il suffit alors de s’approcher au plus près des beaux silures éventuellement repérés, mais avec lenteur, sans aucun à-coup ni le moindre mouvement de canne… en tout cas pas avant la touche !