Temps gris, froid et humide, ambiance de fin de saison. Si la Seine sur sa partie maritime, en amont de Rouen, n’a rien de bucolique, elle n’en reste pas moins un haut lieu de la pêche du sandre, terrain de jeu de Gaël Even depuis son enfance. Il la connaît comme le fond de sa poche. L’hiver, notre spécialiste aime la retrouver en toute simplicité, du bord, « comme au bon vieux temps », seul ou avec un ami avec qui partager son expérience. Qu’on se le dise, la pêche pour Gaël, c’est avant tout une affaire de convivialité et de partage, même si la recherche du résultat est inscrite dans son ADN. C’est Yannick Bars qui l’a rejoint au petit matin. Yannick est guide de pêche en mer dans le Calvados, spécialisé dans la traque du bar. L’opportunité pour lui de croiser la route du sandre sur un secteur de la Seine sensible aux effets de la marée. N’en sera-t-il pas moins dépaysé ?
Côté matériel
Pour le shad :
■ Canne Illex Pepper S 2602 M 8’6’’ Fast Lure / 5-30 g
■ Canne Illex Pepper S 2202 M 7’2’’ Fast Lure / 5-25 g
■ Tresse Gunki slide Braid 8 et 11/100
■ Fluoro Gunki Ice 24 à 29/100
■ Moulinet Gunki H.P.D
Pour le poisson nageur :
■ Canne the Artist S 225 M Fast Lure / 7-2 g
■ Moulinet Gunki H.P.D
Aux aurores
C’est au lever du jour que les deux amis se sont mis en poste sur un secteur en aval d’un barrage, point de passage obligé où pousseurs et gros porteurs se croisent dans un va-et-vient régulier. Une ambiance portuaire, en eau douce, baignée par une lumière crépusculaire. Bakkans et cannes ont été déposés sur une plage de graviers qui commence à se découvrir. Tout un matériel à portée de main pour « faire la descendante » à la recherche du percidé emblématique. « Victime de son succès, la pression de pêche a considérablement augmenté sur ce secteur au gré des années. Je me souviens, gamin, des pêches “de l’espace” que je pouvais y faire. À l’époque, le sandre était en pleine explosion. Aujourd’hui, alors que l’eau de la Seine s’est considérablement éclaircie, les populations de sandres ont plutôt tendance à stagner, voire régresser au profit du brochet », explique Gaël, qui n’en reste pas moins fidèle à ce rendez-vous hivernal. Pas d’électronique embarquée, pas de surenchère matérielle, juste son sens de l’eau et sa connaissance des postes, notre gaillard aime privilégier une approche simple : deux cannes, des boîtes de leurres souples et durs, une paire de waders et des pains au chocolat…
Les pieds dans l’eau
Nos deux potes ont pris place sur une pente douce, avec pour repère visuel une balise qui va leur servir de jauge. 30 m derrière se dessine le chenal, comme l’atteste la barge qui passe en arrière-plan. Un lancer appuyé mais précis est de mise pour faire évoluer son leurre à la bonne profondeur, tout en tenant compte de l’action du courant. Une canne de 2,40 m, d’action rapide, offre un bras de levier indispensable qui offre un bon contrôle de la ligne. Yannick garde un œil sur l’animation que confère Gaël à son leurre souple monté sur une tête plombée de 20 g. Un savoir-faire qui combine lentes glissades, reprises de contact délicate avec le fond, accélérations subtiles et courtes dérives inertes : bref un cocktail subtil shaké par la main du maître que rien ne semble pouvoir perturber, ce qui ne l’empêche pas de lâcher une vanne dont il est coutumier : « Si tu pêches trop haut Yannick, tu vas me faire le record de la brème harponnée par la queue ! Soit tu lestes un peu plus, soit tu lances plus loin trois quarts amont afin de laisser le temps à ton leurre de descendre. D’ailleurs, tu devrais faire les deux, sinon prépare-toi à payer l’apéro ! »
Action, réaction
Gaël ouvre le bal sur fond de brume persistante. Un sandre de 60 cm a saisi un Gunki Whiz, coloris naturel, avec un coup de tête rageur. Sanction immédiate ! En voyant la taille des nageoires des sandres de Seine, on comprend leur facilité à prendre appui sur le courant. Trois lancers plus tard, et boom ! La « machine Gaël » est en route. Cette fois, le percidé a coffré un Magic Slim Shad pailleté avec une pointe d’orange. « Tant que je gagne, je joue ! Dès que j’ai localisé les sandres, j’aime cerner mon sujet à l’instant T, raison pour laquelle je change très vite de modèles de leurres afin de valider un ensemble de critères – taille, coloris, vibration. La Seine est en mouvement constant et requiert une remise en cause permanente », précise Gaël, qui multiplie les essais sous le regard médusé de Yannick qui combat une jolie perche. « C’est mieux, tu pêches plus creux ! Ralentis maintenant ta vitesse d’animation et contrôle bien ton leurre sur la descendante ! » Et de quatre pour Gaël qui, cette fois, en moins de dix minutes, a opté pour un coloris perle pailleté dos blanc après être repassé sur le Whiz entre-temps.
Côté leurres
Leurres souples
■ Illex Magic Slim Shad 6’5, 8 et 10 cm
■ Illex Nitro Shad 6,5 et 9 cm
■ Gunki G’Bump 11 cm
■ Gunki Whiz 7,6 et 10 cm
Leurre dur
■ Dowzvido 90 SP
Zoom sur le Nitro Shad 6, 5 cm
En test, le Nitro Shad en taille 6,5 cm a fait des merveilles lors de cette session notamment dans les veines de courant plus soutenues. Sa nage tonique et sa caudale puissante alliée à une gomme plus souple que ses grands frères ont séduit de nombreux sandres et perches. Gaël l’a définitivement validé ! Imprégné à la base de l’attractant crustacé « Nitro Booster », Gaël l’a rechargé régulièrement en Booster crème du même parfum dès que les sandres se sont montrés plus tatillons alors que le courant et le niveau d’eau baissaient
Pour l’heure, les sandres semblent plus réactifs à une vibration lente et fluide plutôt qu’à un coloris. Les touches s’enchaînent tandis que la plage de gravier s’est découverte sur un bon mètre. Le niveau baisse alors que le courant central se resserre. En aval, une légère retourne s’est créée sur la fin du plateau.
Au poisson nageur
Gaël sort de l’eau, change de canne et agrafe un leurre dur, un Dowzvido 90 SP coloris ghost chartreuse. « On avance souvent que le poisson nageur est efficace sur le sandre en début de saison, lorsqu’il se tient encore sur les bordures, ou l’été quand il est en pélagique. Très sincèrement, pour m’être penché sur la question ces deniers temps, je pense que cette affirmation est réductrice. » Il se décale un peu plus aval et peigne le poste afin de passer sur la cassure estimée dans deux mètres d’eau. Animation plus rapide cette fois entrecoupée de twitchs et de courtes pauses. Un premier sandre se manifeste, puis un second, plus joli, dix minutes plus tard. Gaël ne cache pas sa satisfaction, lui qui aime sortir des sentiers battus.
L’ami Yannick semble un brin médusé alors qu’il continue sur sa lancée de perches. Pas tous les jours faciles de pêcher aux côtés de Gaël, qui est repassé derrière lui pour s’occuper de son cas. « Replace-toi plus devant, le niveau a baissé, les sandres se sont regroupés dans la veine d’eau centrale, plus tatillons, ta frappe va devoir être chirurgicale », lui conseille Gaël en lui tendant un petit Nitro Shad, un leurre que Yannick connaît bien et qui va lui permettre de reprendre confiance, faute de pouvoir se réchauffer. La température de l’eau n’excède pas les 6°C. Au bout d’une heure et demie malgré un waders épais en néoprène, il faut tenir. « Ton lancer est pile poil, laisse descendre maintenant. Au contact avec le fond, imprime deux tours de manivelle tout en relevant ta canne. Voilà ! Imprime un mouvement un peu plus sec, tu dois sentir la caudale de ton shad. Bloque, accompagne sur la descente, ferre… » Sur les conseils de son ami, Yannick a retrouvé le sourire. Le sandre lui résiste dans le courant, dévale sur quelques mètres. « Tu es vraiment prêt à tout pour ne pas m’offrir l’apéro. Je crois que tu viens de faire le plus beau », s’amuse Gaël. Le sandre frôle les 80 cm.
Changement de poste
Yannick enregistre ensuite une touche, un ferrage dans le vide. Tiens, encore une perche ! Gaël lui propose de reprendre les Bakkans et de descendre plus aval à une centaine de mètres, sur un secteur plus creux. À en croire ses explications, le gros du poisson fourrage y est localisé, et les sandres vont continuer leurs agapes sous un niveau d’eau plus important. Gaël lui conseille de monter un peu en taille de leurre souple : 10 cm coloris blanc. Le secteur est caractérisé par des grands arbres en partie immergés qui font office de déflecteurs, renvoyant le courant vers le milieu de la Seine. Gaël ne tarde pas à vérifier son analyse avec un sandre de 75 cm bien gras. Quant à Yannick, il refait une belle perche de 40 +. « Bon, maintenant, tu reprends tes esprits mon grand, et arrange-toi pour décoller ton shad et le maintenir à 10 cm du fond en linéaire. Tu le fais parfaitement avec les bars. Pas besoin de lancer aussi loin, les sandres se tiennent sur le haut de la pente. » Yannick s’exécute et peigne consciencieusement son poste. Le troisième passage est le bon, la canne plie fortement, le client répond par des coups de tête. Après trois longues minutes de combat, notre « marin d’eau douce » brandit un 80 +. L’affaire est conclue. Yannick ne paiera pas l’apéro ce soir. « Tiens, il reste deux pains au chocolat, as-tu un petit creux ? » Gaël, assis sur un caillou, la bouche pleine, la joue fair-play.
Mimétisme
Le Gunki Whiz, à l’arôme anis, s’est montré particulièrement efficace avec sa longue queue fine de type « shad » qui émet une vibration vive, très serrée. Il a fait la différence en fin de marée, allié à une animation lente et subtile à raser le fond. Autre point important auquel Gaël attache de l’importance : le coloris. Ce jour-là, l’option gagnante reposait sur un coloris proche de celle du sandre ; le cannibalisme est de mise semble-t-il.