Il est cinq heures du matin, le temps est clément, la température est fraîche et le jour pointe le bout de son nez. Au bord du bras sud du magnifique lac de Saint-Cassien, Yahn et Léo Jacqueline préparent leur float-tube dans la lumière des phares de leur voiture. Depuis leur enfance, ces deux Niçois d’origine pêchent ensemble. Ils ne cachent pas leur vraie passion pour la traque du brochet qu’ils ont encore choisi de cibler en priorité aujourd’hui.
Un lac pas facile
Les deux frères anticipent déjà ce qui devrait suivre. « Nous allons commencer par un plateau d’herbiers, sur des fonds de 3m où passe aussi une ancienne route, m’explique Yahn. Puis nous prospecterons la bordure pour rejoindre une belle anse où se trouve aussi un plateau encombré. » Léo m’explique que mettre en place des stratégies différentes mais complémentaires est utile quand la pêche est difficile. Saint-Cassien est en effet un lac capricieux, avec des fenêtres d’activité limitées. Ce travail d’équipe est d’autant plus intéressant que le float-tube n’offre qu’un rayon d’action limité sur un plan d’eau aussi vaste. «Je vais commencer par peigner les cassures du plateau au shad, précise Léo. Yahn lui, va se focaliser sur l’herbier au big bait !» L’objectif est de rapidement repérer la tenue des poissons. L’expérience compte aussi bien sûr pour espérer réussir à Saint-Cassien. La prospection méthodique de Yahn et Léo sur ce secteur sans poste marqué montre qu’ils connaissent le secteur. Espacés d’une vingtaine de mètres, les deux frangins multiplient les lancers dans les brumes matinales.
Timides
La première alerte est pour Yahn qui voit sa bannière se détendre. Un poisson vient de pousser son gros souple articulé. Deux lancers plus tard, un petit brochet s’attaque au big bait. Les poissons semblent encore assez timides, mais les deux pêcheurs restent confiants. «Je vais continuer à longer la bordure vers la route immergée, m’indique Léo. Cette structure concentre souvent des perches, des sandres mais aussi quelques silures. Yahn va me rejoindre et nous allons insister en verticale.» Quand l’un opte pour un discret leurre souple pour une prospection lente, l’autre choisit un petit leurre à palette. Le duo scrute sur le sondeur le moindre indice de présence de carnassiers ou de poisson fourrage. La structure semble être occupée par quelques poissons légèrement décollés et en pleine eau dans 4 m. Focalisé sur les échos, le binôme prospecte de façon très méticuleuse. Yahn opte pour une animation lente, son cadet procède lui de manière plus énergique.
Un silure, une casse
On dirait d’ailleurs que c’est la solution : touche franche dès le premier contact, Léo identifie sans hésitation un silure ! Son ensemble light souffre et la tresse, en frottant sur la structure, cède quelques instants plus tard. Le lac semble être à la hauteur de sa réputation : c’est difficile ! Ce bras sud, très découpé, se distingue par sa succession de pointes et de baies. La réussite comme l’échec peut venir du bon ou du mauvais choix de l’une d’entre elles. « Il n’y a pas assez de vent aujourd’hui, nous allons gagner la berge exposée, décide Yahn. Une anse offre un beau plateau d’herbiers qui tombe assez vite, nous pourrons pêcher plus creux. » Léo ouvre la marche et opte pour un gros souple de 18 cm. Il quadrille mètre par mètre une bordure très caillouteuse, le lac étant loin de son plus haut niveau. Le ciel se couvre légèrement avec l’arrivée d’un passage nuageux. Au détour d’un arbre immergé, Léo, toujours aussi concentré, repère un magnifique brochet, qu’il estime à environ 90 cm. Hélas, celui-ci se contente de suivre, bec collé sur son leurre, avant de replonger tranquillement dans les eaux émeraude.
Premier brochet
Le matraquage en règle qui suit reste hélas sans effet… Mais, quelques minutes plus tard, Yahn voit sa récupération bloquée nette. Le combat semble annoncer un poisson correct. Et les deux frangins d’ouvrir enfin leur compteur avec un brochet de 70 cm, qui était posté sur une cassure. « Il y avait pas mal d’ablettes sur le secteur, explique Yahn. J’ai opté pour un leurre plus petit, un Nitro Shad (Illex) coloris sardine. Si la pêche est difficile, comme aujourd’hui, je pars plutôt sur des couleurs et des tailles réalistes. » Le poisson est vite remis à l’eau. Yahn et Léo reprennent rapidement leur prospection et atteignent l’anse dont ils avaient fait leur prochain objectif. Quelques lancers suffisent à Yahn pour déclencher un ferrage. À sa grande surprise, c’est un gros black-bass qui, en pleine eau, s’est saisi du shad ramené en linéaire. Mais la malchance s’acharne encore car, dès le premier saut, le pêcheur perd le contact avec le beau carnassier, qui flirtait certainement avec les 50 cm.
La bonne idée
On sent une légère frustration chez le duo qui, avec un peu plus de réussite, avait sans doute l’opportunité de s’offrir une pêche plutôt intéressante et pleine de diversité. D’autant que la petite fenêtre d’activité semble passée, le retour du soleil n’arrangeant pas forcément la situation… Le temps passe, les lancers se multiplient sans que l’on enregistre le moindre signe d’activité. Le lac semble désert. Mais Léo, toujours frustré, a sa petite idée derrière la tête…
Coup de poker
« Nous sommes dans le dur, j’aimerais que nous retournions sur le poste où le gros brochet a suivi mon leurre, précise-t-il à son frère. Nous savons qu’il y a ce poisson qui est peut-être encore actif ou que nous pouvons déclencher. On pourrait quadriller la zone avec deux approches différentes en commençant de façon assez large pour ensuite réduire le périmètre. » C’est une sorte de dernier coup de poker pour les deux frères. Dans une parfaite complicité et une bonne ambiance, les revoilà filant ensemble à grands coups de palmes vers la potentielle bonne zone où ils espèrent chasser enfin le mauvais sort ! Éloignés l’un de l’autre d’une petite vingtaine de mètres, Yahn et Léo ajustent leurs lancers. Le soleil est lentement en train de redescendre vers les cimes des massifs qui entourent le lac. Il leur faut vingt longues minutes d’assiduité et de concentration pour que le ventde la chance tourne enfin : Yahn prend contact avec un poisson et prévient son frère. Car dès les premiers coups de tête, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un vrai client.
En équipe
Léo rejoint rapidement le frérot pour l’aider, après qu’il a contré impeccablement quelques rushes sévères, à mettre à l’épuisette le magnifique poisson qu’il avait effet repéré quelques heures plus tôt. Et l’estimation était parfaite : 90 cm tout ronds ! Ouf… l’honneur est sauf pour ce sacré duo qui prouve combien patience, confiance et obstination ne doivent jamais quitter l’esprit d’un bon pêcheur.
Leur matériel
YAHN
- Canne : Technium (Shimano) 50-170g
- Moulinet : Lexa 300 HSL (Daiwa)
- Tresse : J-Braid 4 brins (Daiwa) 28/100
- Bas de ligne : Soft Fluoro (Savage Gear) 92/100
LÉO
- Canne : blank composite (Northfork) 20/70
- Moulinet : Curado 201 (Shimano)
- Tresse : J-Braid (Daiwa) 22/100
- Bas de ligne : Soft Fluoro (Savage Gear) 92/100