Lorsque j’ai débuté dans la pêche des carnassiers, l’offre en termes de leurres se résumait à quelques poissons-nageurs et cuillers. On pouvait aussi opter pour le vif ou le mort-manié. Entre pêche statique et itinérante, mon choix allait naturellement vers cette dernière. Néanmoins, si le mort-manié était une approche rentable, il générait malgré tout quelques contraintes non négligeables…
Pas que des avantages
La recherche des vifs était en effet chronophage et leur transport pas bien facile, surtout si on pratiquait du bord, sur des postes successifs éloignés les uns des autres. En outre, la mise en place du vif sur une monture pouvait se révéler laborieuse. Et je n’ai pas oublié le nombre d’accrocs qui se soldaient par la perte de la monture. Ces quelques contrariétés mises à part, la technique en soi était formatrice, efficace et, une fois bien maîtrisée, les prises s’enchaînaient régulièrement. Suite à ce constat, comme de nombreux pêcheurs au manié, j’ai embrayé sur les pêches aux leurres souples qui exonéraient de la plupart de ces contraintes, en m’habituant bien sûr à des types d’animations différents.
Sensations à retrouver
Avec le temps néanmoins, j’en suis venu à regretter parfois les animations que j’obtenais à partir d’une monture à manier, avec son articulation bien spécifique. C’est en ce sens que j’ai cherché, pour mes leurres souples, à mettre au point des montages permettant de retrouver ces sensations. Premier impératif : dénicher une sélection de leurres souples ressemblant le plus possible à de véritables petits poissons. Il n’est pas bien difficile d’opérer une première sélection lorsque, comme moi, on dispose d’un bon stock de vieilleries, depuis longtemps inutilisées parfois. J’ai donc mis de côté quelques références très imitatives. Mais le plus important, bien sûr, c’est d’adapter la monture. Le principe agrafe interne-crochet-fil de cuivre ne se justifiait en effet que par la difficulté de fixer durablement une véritable proie. Avec un leurre souple, l’opération est plus simple. Il suffit que l’avant du leurre soit assez épais et solide pour assurer le lien.
Un seul hameçon
Pour l’armement, il m’a rapidement semblé évident qu’il n’était ni souhaitable ni utile de conserver les deux hameçons. Cela complique le montage, augmente les risques d’accrocs et n’est de toute façon pas nécessaire du fait de la standardisation de la taille du leurre. Il suffit de bien calculer la position d’un triple unique, chaque montage étant identique au précédent, ce qui n’était pas forcément le cas avec de vrais gardons. Dans le même esprit, j’ai cherché à simplifier au maximum la manière de lester la monture. Une chevrotine de 5g, base minimum de départ au manié, devient presque un maximum ici. La compacité et la densité des leurres souples, comparées à celles des vifs, expliquent cela.
Des tests plus légers
J’ai donc commencé avec un système de plombée amovible, constituée d’une chevrotine pincée sur un axe muni d’un œillet (voir encadré). Il existe certes, sur le marché, des plombées amovibles, mais en général bien trop lourdes. On trouve certaines références en tungstène plus légères mais dans ce cas, c’est leur mode de fixation qui est trop fragile. Bien adapté pour la truite ou la perche mais franchement risqué sur un beau brochet quand on connaît le coût plus élevé de ces lests. Comparés au manié traditionnel, les lests utilisés doivent être bien plus légers. J’enfile donc mon système de plomb à œillet sur une agrafe terminant mon bas de ligne avant d’y relier mon leurre, en veillant bien à ce que celui-ci soit dans le bon sens et que la plombée, ainsi décentrée, tire bien l’ensemble vers le bas.
Fiable et solide
Pour la fixation du leurre, j’utilise le plus souvent un ressort accroche-leurre, un système qui a fait ses preuves et est désormais largement disponible en plusieurs tailles. L’hameçon est monté sur une petite empile en acier multibrin, sleevée des deux côtés, ou un émerillon triple. Je l’enfile sur le ressort, jusqu’à l’œillet, avant de le visser solidement dans le leurre. Le montage est très fiable et très solide, le leurre restant néanmoins facilement remplaçable en cas de détérioration ou de changement de couleur. La taille de l’hameçon triple utilisé doit évidemment être en cohérence avec celle du leurre souple, tout en gardant une certaine discrétion. Elle se situe généralement dans une fourchette allant du n°6 au n°2.
La bonne taille
Avec le temps, il m’est apparu que la taille permettant de retrouver de vraies sensations de type «mort-manié» se situe entre 10 et 15cm, ce qui d’ailleurs correspond à celle des poissonnets que nous utilisions jadis. Au-delà, l’animation s’en ressent fortement et il devient difficile de manier proprement. La fluidité du mouvement s’en trouve nettement atténuée. Par ailleurs, comme toujours avec les bricolages, il convient d’essayer et d’observer en eau claire le comportement des différents leurres sélectionnés, associés à des lests variés, pour tenter de déceler la meilleure combinaison pour chacun d’eux. Cette opération permet de définir assez vite les couples indissociables. À l’usage, je me suis rendu compte que cette association leurre-lest parfait ne pouvait être réellement modifiée en action de pêche.
Le couple idéal
Par exemple, un leurre évoluant de manière optimale avec un lest de 2g ne pourra être surlesté ou sous-lesté que de 1g maximum (lest de 1 à 3g donc) pour rester opérationnel. J’insiste sur la nécessité de cette recherche de « couple idéal » car, contrairement au mort-manié, le montage au leurre souple autorise une sorte d’équilibre régulier du montage dont il est important de savoir profiter. Il suffit, au bord de l’eau, de choisir tel ou tel pattern afin de toujours pêcher au plus juste. En action de pêche, le mort-manié permet d’exploiter de nombreux types d’animations susceptibles de répondre aux impératifs du moment. C’est sans doute la technique la plus polyvalente qui soit grâce à cette faculté de pêcher rapidement ou lentement, profondément ou pas, en adoptant un comportement agressif ou au contraire celui très lent d’un poisson agonisant. Avec un leurre souple, on laisse descendre le montage jusqu’à prendre contact avec le fond. Il s’agit ensuite de choisir le type d’animation qui vous permettra de coller au mieux avec ces mêmes réalités. On pourra alors alterner les tremblements du scion, avec quelques mouvements en dents de scie, de longues et lentes tirées et des redescentes vers le fond… et puis recommencer ! Je me suis rendu compte, à l’usage, que chaque leurre est attaqué régulièrement sur une phase d’animation très précise. Par exemple, j’ai remarqué qu’un leurre souple articulé est le plus souvent agressé sur un relâché, suite à une lente tirée vers le haut, alors qu’un finesse sera plutôt pris simplement posé sur le fond, suite à quelques soubresauts orchestrés de la pointe du scion. Ce constat est très net et, avec l’expérience, amène à utiliser chaque montage au mieux de ses capacités.
Très peu de ratés
Pour finir, je précise que manier ainsi un leurre souple est l’une des techniques qui occasionne le moins de ratés. La faible inertie du montage fait que le leurre est en effet facilement engamé. Le choc est violent et les décrochés restent rares, y compris sur les montages utilisant un hameçon texan: que demander de plus ?
D’autres montages
- Leurre articulé : une monture classique ne convient pas sur un leurre articulé. On utilise alors une tête plombée dite screw (à visser dans le leurre) pour bénéficier de sa nage ondulante. Ce type de leurre peut être monté de façon à nager un peu sur le côté pour parvenir à davantage de réalisme.
- Finesse : il n’est pas possible de visser une tête ressort dans un leurre finesse très étroit. Dans ce cas, la seule solution est d’utiliser un hameçon texan. Cela ne perturbe pas l’animation.