Leurres souples : lester lourd ou léger ?

Quand il s’agit de lester un leurre souple, ne penser la plombée que par son rôle utilitaire serait trop réducteur. Ça reviendrait à dire que plus on plombe, meilleur est le contrôle et mieux ça vaut ! Or, de toute évidence, ce n’est pas le cas. Inversement, il ne faut pas croire qu’alléger est forcément efficace. J’ai moi-même longtemps cru que la bonne plombée était la plus légère que les conditions de pêche permettaient d’utiliser. C’est souvent juste, disons plus souvent vrai que faux, mais il y a des exceptions importantes.

Plus lourd

Certaines circonstances plaident en effet pour un alourdissement de la plombée. Pour des raisons pure ment utilitaires d’abord : distance à atteindre, profondeur importante, vent de travers soutenu, courant puissant. Rien d’original et donc inutile de s’étendre là-dessus, mais il faut noter que la plombée n’est pas le seul paramètre sur lequel on peut jouer. Le diamètre de la ligne tient également un rôle important dans les circonstances en question. En particulier, l’avènement de la tresse, en permettant de pêcher nettement plus fin à résistance égale, a permis d’alléger globalement la plombée pour obtenir des performances équivalentes. Dans certains cas, on peut aussi jouer sur la taille du leurre, qui intervient dans les performances de lancer. Si pêchant en texan dans les herbiers, par exemple, on veut augmenter ses distances de lancer, rajouter du plomb est une mauvaise idée. Mieux vaut augmenter la taille et donc le poids de son leurre souple.

Plus léger

Certaines circonstances plaident à l’opposé pour un allègement du lest : la diminution des accrochages, par exemple, ou la résistance à l’engamage par les poissons. Un poids trop important peut en effet alerter leur méfiance ou provoquer des décrochages, les poissons étant mal piqués. Plus important encore, une plombée légère donne au montage une nage plus planante et plus lente même si, en réalité, plus que le grammage de cette plombée, c’est bien le ratio entre plombée et volume du leurre qui importe. Une plombée de 10g sur un leurre souple de 6cm donne une nage saccadée et rapide, alors qu’avec un leurre de 20cm, on obtiendra une allure planante et très lente.

L’exemple du wacky

Mais ne chipotons pas, à taille de leurre égale, moins on plombe plus ça plane et coule lentement. Ça peut être une bonne chose quand on s’adresse à des carnassiers peu actifs ou méfiants. Un montage passant trop vite, coulant comme une enclume et nageant en dents de scie peut susciter la méfiance. De plus, ces poissons ayant tendance à provoquer des touches fines plutôt qu’à se jeter sur le leurre gueule béante, moins il y a de plomb, moins il y a d’inertie à l’aspiration. Une illustration de ce principe de légèreté pour poisson peu agressif est la pêche en wacky (voir encadré). Autre exemple où la légèreté fait la différence, en cas de faible agressivité : la pêche du sandre en lancer-ramener. On lance, on laisse couler, et on commence à récupérer plus ou moins lentement en marquant des pauses pour que le leurre reprenne bien le fond.

À trois grammes près

Un grand classique avec cette technique est qu’une différence de grammage pourtant minime (genre 7g au lieu de 10) peut faire une grande différence dans le nombre de touches ! Ça doit se jouer à pas grand-chose : une vitesse de récupération un peu plus faible avec 7g, sinon le leurre remonte trop, une descente plus planante lors des pauses ? En tout cas, ça fait souvent la différence. Le sandre est le spécialiste de la réaction à des changements infimes de ce type.

La vitesse de chute

Pêcher léger semble donc être plutôt une bonne idée. Mais le vrai piège, c’est d’en faire une règle absolue. Or, à la pêche les règles absolues n’existent pas ! Il y a des circonstances, pas rares, où pêcher lourd est préférable… et pour exactement la même raison que pêcher léger peut faire la différence : le ROF! Il s’agit de l’acronyme anglais pour rate of fall, autrement dit littéralement la vitesse de chute, celle à laquelle le montage coule. On peut dire VDC en français mais vous trouverez souvent le terme ROF dans les catalogues de leurres. Parfois le poisson veut une vitesse très faible. Pour le wacky, c’est 10cm/s, 20cm/s pour un shad faiblement plombé en linéaire, sur les pauses fil tendu. Et parfois une VDC élevée voire très élevée marche beaucoup mieux, parce qu’elle déclenche des attaques réflexes. Si une vitesse de récupération trop rapide peut occasionner des suivis mais des refus, l’inverse est aussi possible. Un poisson peut laisser passer un leurre nageant lentement… pour se jeter sans réfléchir sur le même, ramené très vite !

Descente rapide

Avec certaines techniques, comme le shad à palette, une vitesse rapide peut faire la différence. S’il est lesté comme une enclume, c’est pour qu’il coule très vite à la manière d’un poisson apeuré. Les touches ont presque toujours lieu à la descente ou juste à l’arrivée sur le fond, ce sont des attaques d’interception. Divisez la plombée par deux, vous aurez trois fois moins de touches ! C’est la même chose (pas toujours) avec le rubber jig. S’il coule lentement, il est accompagné tandis que celui qui coule vite est pris à la descente par réflexe. Mieux encore : le leurre souple en lancer-ramener, le même qui tout à l’heure servait à illustrer l’avantage de plomber léger. Au lieu de réduire la plombée de 10 à 7g, augmentons-la de 10 à 20 ou 25g, plus si on pêche assez profondément. Que se passe-t-il alors ? Si on ramène lentement, on racle le fond. On est obligé de ramener d’autant plus vite que la plombée est lourde et la profondeur faible. Et certains jours, on obtient des touches de sandre brutales alors que la légèreté ne rapportait rien. En même temps, accessoirement, on va couvrir quatre fois plus de terrain !

Le bon tempo

En résumé, loin de se limiter à un rôle utilitaire, la plombée définit précisément la vitesse à laquelle le leurre coule ou se déplace, imposant au pêcheur un tempo plus ou moins rapide. Elle peut donc grandement influencer nos résultats et mérite des modifications fréquentes.