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Aspe : le temps d'un bivouac en Anjou

Se déconnecter l’espace d’un instant, les pieds dans le sable, scruter des eaux claires, pratiquer une pêche à vue au milieu d’une avifaune aussi riche que variée… Non ! Vous n’êtes pas en bord de mer, pas plus qu’en Amazonie, vous côtoyez les bancs de sable façonnés par le fleuve le plus sauvage d’Europe : la Loire.

C’ est un peu notre rendez-vous annuel, un prétexte pour déconnecter de l’effervescence de la saison de guidage et surtout pour profiter d’un biotope unique avec des poissons taillés pour lutter dans les plus forts courants… C’est dans cette ambiance que je retrouve mon collègue et ami Romain Monsimer, qui s’est pris de passion pour ce fleuve depuis plusieurs années. Des spots, il en a arpenté quelques-uns, puisqu’il a descendu plus de 500 km du fleuve en kayak, mais nous nous cantonnerons à une partie du bief en aval d’Angers qui n’est plus sous l’influence des marées. Sur ce secteur, il y a de très gros aspes (Aspius aspius). Pour certains, l’aspe n’est qu’un mangeur de pain, une vision plutôt humoristique, alors que d’autres pêcheurs lui vouent une vraie dévotion. En ce qui nous concerne, nous y allons pour le plaisir d’une partie de pêche entre amis, et nous allons bien entendu tout faire pour tenter de les prendre en surface : la quête du Graal, en quelque sorte. Nous nous retrouvons fin août dans l’après-midi, il fait particulièrement beau, il y a comme un air de vacances pour les deux guides que nous sommes. L’activité des aspes étant plus marquée en début et en fin de journée, nous allons profiter d’une descente au fil de l’eau en pêchant un peu, tout en repérant un éventuel spot propice pour un bivouac et une pêche du bord au crépuscule.

Pêcher l’aspe, c’est aussi une aventure où la mobilité oblige à ne se munir que de l’essentiel
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

De la nécessité de partir léger

Nous rêvons tous d’une sortie avec une seule canne, une petite boîte de leurres, et une bobine de fluoro. Cependant, pour ce style de virée sur la Loire, la prudence amène aussi à prendre une canne en 80 lbs destinée aux silures. La Loire peut vous réserver en effet d’énormes surprises. Mais l’objectif pour nous étant de faire un focus sur les aspes, nous laissons le gros matériel au placard, car rien ne nous écartera de notre objectif. En toute logique, inutile de s’encombrer d’une caisse de leurres. Une sélection de quelques modèles suffit : l’incontournable Debu Nyoro (Jackson), un stick coulant silencieux qui se ramène à pleine vitesse fait figure de leurre emblématique. Toujours dans la même catégorie, le Water Monitor (Illex) et le Shoreshaver (Gunki) sont incontournables. Les stickbaits avec billes prévus pour la mer, qui supportent bien les grandes vitesses de récupération de style Asturie et Patchinko en petites tailles, le Riser Bait silencieux (Illex), mais aussi des sticks plus classiques comme le Megalon (Gunki), le Sammy et le Gunfish (Lucky Craft) sont également des valeurs sûres. Nous complétons cette base avec une sélection de minnows, silencieux de préférence, style D contact (Smith), Metéora (Jackson), des casting jigs et des petites lames vibrantes s’il faut descendre un peu plus dans la couche d’eau. D’une manière générale, pour l’ensemble des leurres, on privilégie plutôt les coloris naturels. Pour la canne, il faut les qualités nécessaires pour propulser des leurres de petite taille à longue distance. Une 7/28 g Medium Heavy entre 220 et 240 cm avec un bon bras de levier sera parfaite à ce jeu-là. Elle doit faciliter le contrôle de la ligne, canne haute, pour permettre de soustraire la bannière au courant. Pour le moulinet, un spinning 2500 ou 3000 avec un grand ratio d’au moins 6/1, une tresse en 8 brins entre 11 et 13/100 et une pointe de 2 m en fluoro de 25/100 minimum à 30/100. La touche est souvent très brutale et, sur ce secteur, les poissons peuvent dépasser les 80 cm, un excès de finesse peut s’avérer coupable.


Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Une prospection rapide mais méthodique

Dériver sur la Loire n’est pas si simple, tout va assez vite et nécessite rigueur et anticipation. Il est courant d’arriver très vite sur les bouées de signalisation, les embâcles et les bancs de sable. Un moteur électrique avec une puissance adaptée au gabarit du bateau est indispensable, l’objectif étant de retenir légèrement la dérive tout en se laissant porter par le courant… pas si simple. Pour les lancers, il convient de favoriser plutôt le trois-quarts amont jusqu’à la perpendiculaire du bateau, mais rarement vers l’aval à remonter le courant. Les poissons sont la plupart du temps postés le nez dans le courant, un peu comme les truites, le jeu consiste donc à passer le leurre dans son champ de vision. Les grands courants principaux et les seuils sont des zones de prospection privilégiées. Mais des postes, il y en a potentiellement partout. Et ce qui est remarquable sur la Loire, c’est la clarté de l’eau. Lorsque les conditions sont réunies (soleil, turbidité…), il est possible de facilement visualiser un groupe d’individus ou un beau poisson isolé dans une veine d’eau, d’autres encore à l’affût des bancs d’alevins sur les bordures… La pêche en est donc encore plus intense. C’est par ailleurs assez bluffant de les observer. Ils ne semblent faire aucun effort. Ces poissons sont littéralement taillés comme des torpilles. Avec leur corps fusiforme et leur caudale bien échancrée, leur anatomie est parfaite pour évoluer et chasser dans les courants puissants de la Loire.

Un premier client sérieux
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Premiers poissons

Après quelques minutes de dérive, Romain fait suivre au bateau un superbe poisson qu’il estime dans les 80 cm. Forcément, cela nous galvanise tout de suite. Mais cette eau limpide n’est pas forcément la plus propice à la pêche. Nous enchaînons ainsi plusieurs suivis de beaux poissons sans arriver à concrétiser une touche. Quelques chasses explosives se font entendre derrière des têtes d’épi. Elles me surprennent à chaque fois tellement elles sont violentes. Nous finissons par échouer le bateau pour aller arpenter une berge qui semble prometteuse. Même si l’aspe est un cyprinidé, sa particularité est de se nourrir en grande partie de poissons fourrage. Il convient d’en tenir compte dans le choix de la taille de nos leurres. En se baladant un peu du bord sur cette berge en hauteur, nous remarquons plusieurs poissons postés, qui chassent régulièrement dans les bancs de petits gardons et ablettes collés sur les bordures. D’autres sont même en plein courant, c’est très compliqué d’arriver à en décider ne serait-ce qu’un seul… Romain insiste quand même derrière un embâcle et prend un premier aspe qui n’est pas du même gabarit que le gros suivi tout à l’heure, mais fait toujours plaisir. Nous nous en contenterons pour la soirée. Il va être temps de se consacrer à une autre partie que nous apprécions beaucoup : un bivouac à la belle étoile, avec un bon feu au milieu de nulle part sur un îlot de sable au milieu de la Loire. L’ambiance ne pourrait pas être plus sympathique! Les oiseaux qui rentrent au nid et, de temps en temps, un silure qui claque en surface pour chasser dans les bancs de mulets, autant d’émotions renouvelées en permanence… Le décor est planté, le ciel est dégagé, c’est le dépaysement total. Une bâche sur le sable, un duvet, et c’est parti pour une bonne nuit.

Le temps fort apprécié du bivouac
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Réveil aux aurores

Il est toujours appréciable de se réveiller avec les premiers rayons de soleil, sauf que ce matin-là, il n’y en a pas. Une brume assez épaisse se mélange aux dernières fumées de notre bivouac. Il fait même un peu froid. Un petit café pour se réchauffer, et c’est reparti. Nous continuons notre dérive en ponçant les têtes d’épi, et très vite, après une longue pause sur une animation, nous entendons un gros « splash ». Le leurre est toujours sur l’eau, je reprends l’animation; deuxième « splash », mais cette fois-ci, c’est pendu. Romain annonce directement un beau poisson, le premier rush est sympa. Ensuite, c’est plus une lutte avec le courant qui s’enchaîne, le poisson est dans l’épuisette, un beau spécimen qui frôle les 70 cm. La journée commence plutôt bien. Mais en fait, pas tant que cela. Mis à part cette action, nous passons plusieurs heures sans résultat, sans même voir une chasse. Et toujours dans cette brume froide… Nous décidons alors de remonter sur un spot bien marqué, mais lorsqu’on dérive sur la Loire, on ne se rend pas compte de la distance parcourue. Nous avons dévalé sur des kilomètres.

La proximité des bordures offre des postes de choix.
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Hot-spot

Après un bon moment de navigation, nous arrivons sur un secteur aussi beau qu’impressionnant : une grande fosse avec des tourbillons et un courant bien puissant. Deux gros contre-courants de chaque côté, et une cassure de sable sur 50 mètres parallèle à la berge qui marque une séparation nette entre un radier et une autre veine d’eau secondaire plus profonde : le poste rêvé en somme. Je ne fais pas trop le malin, ce n’est pas dans mes habitudes de naviguer dans des conditions pareilles. Le courant est tellement puissant, qu’il forme des grandes marmites, et il faut trouver le coup pour bien placer le bateau, sinon même à fond, le moteur électrique a du mal à tenir. Une fois le placement bien calé et la mécanique des courants bien assimilée, le moteur électrique est d’une aide considérable, et les nouvelles générations Minnkota BT sont vraiment parfaites pour l’ancrage électronique. Deux clics suffisent pour déplacer le bateau de quelques mètres à bâbord ou à tribord. Le soleil se lève d’un coup, nous repérons quelques poissons dans un des contre-courants et la première touche toujours en surface avec un petit Mégalon 75 se solde par la prise d’un poisson correct. Romain enchaîne aussi en topwater. Les aspes sont bel et bien là. Nous observons des groupes qui chassent dans le radier, dans très peu d’eau. Avec le courant puissant, les attaques sont superbes. Ils ont tellement la tête dans le jus que nous arrivons à les approcher d’assez près, nous anticipons même leurs déplacements. C’est exaltant, et donne vraiment l’impression d’être au-dessus d’un aquarium.

Lorsque les leurres de surface sont inopérants, les petits poissons nageurs sont « au top ».
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Périodes d'euphorie et de calme

Mais peu à peu, les poissons boudent les stickbaits. Ils sont toujours présents, mais la clarté de l’eau nous oblige à les appréhender de plus en plus loin. Nous tentons de descendre un peu plus dans la couche d’eau à l’aide d’un petit finess et d’une TP type slide, mais rien n’y fait, casting jig et lame vibrante non plus… Les poissons suivent nos leurres quasiment jusqu’au bateau à une vitesse folle, mais font demi-tour au dernier moment. Il y a de quoi perdre son sang-froid. Ils sont là, mais impossible de les déclen‑ cher. De plus, nous alternons les postes comme les contre-courants, le radier et la grande veine d’eau secondaire, histoire de ne pas les solliciter toujours de la même manière. Je m’évertue à insister en surface pour au moins revoir une attaque, tandis que Romain passe avec un petit minnow silencieux, et cela va vraiment changer la donne. Ramené toujours à fond et avec la puissance du courant, il évolue quasiment en subsurface. Après un long moment sans touche, il va prendre coup sur coup 5 poissons avec un très joli aspe pour clôturer la session. Malheureusement, comme souvent, il n’y avait que ce leurre qui prenait. J’essaye en vain, avec ce qui y ressemble le plus dans ma boîte, mais, pour moi, la fête est finie. En tous les cas, c’est tellement plaisant de voir toutes ces actions après un long moment sans touche. C’est aussi un parti pris que de pêcher en surface, ce n’est pas toujours la meilleure solution, mais pour vivre la puissance de cette attaque, il n’y a pas d’autre choix que d’insister sans relâche.

Avec ou sans poisson, la Loire offre de magnifiques souvenirs visuels
Crédit photo : Aurélien Lagarosse

Attention danger

La Loire est aussi magnifique que dangereuse. Que ce soit en bateau ou du bord, les pièges sont nombreux. Il convient toujours de ne pas partir seul si on ne connaît pas le secteur. Les « culs de grève » qui s’éboulent, les sables instables et les courants puissants sont autant de dangers qu’il faut anticiper. De plus, lors des épisodes caniculaires, le développement de cyanobactéries peut être important sur certains secteurs. Faciles à identifier tant l’odeur putride qui en émane tient à distance, il convient de prendre également garde à son chien s’il accompagne, car celui-ci en succomberait très facilement. De nombreux guides jalonnent la Loire, n’hésitez donc pas à faire appel à leurs connaissances et leur expérience, ils vous feront découvrir leur terroir et les différentes techniques pour taquiner les « flèches d’argent ».

Les guides de Loire pour l'aspe

De l’amont vers l’aval
Nevers : Lionel Guirado - www.progress-peche.com - 06 82 17 99 79
Centre-Val de Loire : Maxime Longeaux - www.confluencepeche.com - 06 82 72 40 49
Angers : Romain Monsimer (Maine Anjou Pêche) - www.maineanjoupeche.com - 06 44 90 18 05

 

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