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Pêche au vif : pas de quoi s'inquiéter

Début février 2021, le conseil municipal de Paris accueillait le vœu d’interdire la pêche au vif. D’autres communes, alors, semblaient vouloir lui emboîter le pas, Montpellier notamment. Certains pêcheurs ont cru voir tomber l’interdiction et la réaction du monde halieutique a été forte et immédiate. Mais y avait-il vraiment matière à s’inquiéter ?

Avant tout développement, répondons déjà à cette question : à Paris, Grenoble ou Montpellier, la pratique du vif est-elle interdite ? Non ! Cette idée n’a été évoquée que dans le cadre des vœux du conseil municipal. Mais que sont ces vœux municipaux ? Pour la faire courte, ce sont des espoirs, émis lors d’un conseil municipal par des élus qui y siègent. Sans être vraiment définis, ils sont ainsi prévus par l’article L2121-29 du Code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local. » S’agissant des conséquences, disons-le clairement, ce vœu pieux n’en a aucune. Les mauvaises langues – dont votre serviteur… – estiment qu’il ne s’agit que d’une forme de poudre aux yeux politique destinée à contenter l’électeur, heureux de voir son élu évoquer une chose lui tenant à cœur.

Les vœux émis lors d’une réunion du conseil municipal de Paris ont fait réagir de nombreux pêcheurs scandalisés. 
Crédit photo : Henri Garat - Ville de Paris

Aucune valeur

Car cette assemblée n’a aucune capacité juridique à prendre la décision en question, et c’est bien pour cela qu’elle n’est matérialisée que par un vœu… dont la valeur est donc totalement nulle. N’étant pas contraignant, ne faisant pas grief, n’ayant pas d’impact, il ne peut pas être contesté devant un juge. C’est la principale différence avec un arrêté préfectoral, par exemple. Ce dernier, ayant des conséquences bien concrètes, peut être attaqué devant le tribunal administratif. En résumé donc, pour l’instant, rien d’alarmant ! Car au jour où nous rédigeons ces lignes, aucune décision d’interdiction de la pêche au vif n’est effectivement prise par le législateur ou par une autorité préfectorale. Il ne s’agit que d’un vague projet noyé parmi 120 autres vœux adoptés ces mêmes jours par le conseil municipal de Paris. Autrement dit, la chose n’est pas encore actée et, vraisemblablement, elle est bien loin de l’être. Mais faisons preuve d’imagination et réfléchissons à ce qui pourrait advenir. Si cette interdiction devait intervenir, elle ne pourrait l’être qu’à deux niveaux. Au niveau départemental, d’abord. Un préfet pourrait parfaitement interdire la pratique du vif dans une partie de son département ou dans certains cours d’eau. Décision qui pourrait être fondée sur l’article R436-23 du Code de l’environnement. Dans son point IV, ce texte précise notamment que « dans certaines parties de cours d’eau ou de plans d’eau et à titre exceptionnel, le préfet peut, par arrêté motivé, interdire l’emploi de certains modes ou procédés de pêche ».

De Paris ou d’ailleurs, les pêcheurs n’ont en fait pas vraiment de souci à se faire.
Crédit photo : DR

Par le parlement

Mais cette interdiction ne pourrait être mise en place que de manière locale, sur des portions de cours d’eau et sans que cela revête un caractère ni normal ni habituel. Cette interdiction ne saurait donc concerner l’intégralité des cours d’eau d’un département. Pour généraliser l’interdiction d’un mode de pêche par l’intermédiaire du préfet, il serait nécessaire, d’une part, que le législateur modifie les dispositions de l’article R436- 23 afin de permettre au représentant de l’État d’interdire un mode de pêche dans tous les cours d’eaux de son département. Il faudrait aussi, d’autre part, que chaque préfet dans chaque département choisisse d’interdire le mode de pêche en question ! Et donc que chaque préfet soit convaincu de la nécessité de prohiber la pêche au vif pour que l’interdiction se propage partout en France. Pour plus d’efficacité, il faudrait que le législateur envisage une interdiction pure et simple de la pratique du vif. Dans ce cas-là, pas d’autre choix que de passer devant le Parlement (Sénat et Assemblée nationale). Compte tenu de la nature de la réforme, il serait très probable qu’il s’agisse d’une proposition de loi – c’est-à-dire d’un texte rédigé par un ou plusieurs parlementaires et soumis au vote des assemblées – émanant de parlementaires écologistes. Il serait logique qu’ils soient à l’origine d’un tel texte, puisque appartenant à la mouvance politique à l’origine des vœux formulés dans les conseils municipaux. La finalité serait donc une modification du Code de l’environnement amenant une interdiction pure et simple de la pêche au vif de manière nationale.

Des antécédents

La question de la survie de la pêche au vif, évoquée notamment sous l’angle de la souffrance animale, n’est pas nouvelle. Plusieurs interrogations dans ce domaine ont déjà été posées au Gouvernement par des députés. Ainsi, en 2019 notamment, les députées Claire O’Petit et Claire Vignon avaient questionné le ministre de l’Écologie sur la pêche au vif, soulignant selon elles son « caractère cruel ». En 2018, cette même Madame O’Petit s’interrogeait déjà sur l’usage de l’ardillon, des hameçons doubles et triples et remettait en question le principe même du no-kill, arguant que « la Suisse et l’Allemagne ont d’ailleurs interdit, pour des raisons de protection animale et de défaut de nécessité (pêche de divertissement non alimentaire), la pêche no-kill, appelée aussi catch and release, dans laquelle le poisson pêché est ensuite relâché. A priori salutaire, il a été démontré par des scientifiques de l’université de Miami qu’elle tue les poissons à coups de stress. »

Même le no-kill, marque du respect absolu des pêcheurs envers les poissons, est dans le viseur de certaines associations. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Le no-kill

En ces deux occasions, le Gouvernement s’était montré évasif, se contentant de souligner que le préfet dispose du droit d’interdire un mode de pêche précis dans des conditions fixées par la loi. Ces réponses permettent de tirer deux conclusions. D’abord que le Gouvernement semble assez loin de ces considérations, les réponses étant franchement consensuelles. Et ensuite qu’il laisse volontiers la main aux préfets, considérant probablement, et à juste titre d’ailleurs, que le représentant de l’État est plus à même de décider ce qui doit être fait dans son département. Et de toute façon, les pêcheurs ne sont pas exclus, le Gouvernement rappelant à point nommé que c’est aux associations de pêche et aux pêcheurs eux-mêmes de s’assurer du bien-être animal lorsque l’on pratique la pêche en no-kill. Dont acte.

Très réglementé

La pêche au vif est très précise : n’importe quel poisson ne peut pas être employé comme appât. L’article R436-35 du Code de l’environnement rappelle aussi qu’il est interdit d’utiliser des poissons qui font l’objet d’une taille légale de capture, ainsi que ceux qui sont protégés ou ceux classés comme nuisibles.

 

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