On trouve différents outils de protection de l’environnement dans les droits civil, administratif et pénal. À chaque fois, les règles et les procédures sont différentes, on peut parler ici de mondes juridiques distincts. Nous pouvons donc nous interroger sur les différences qu’il y a entre chaque monde. En réalité, chaque domaine du droit apporte sa réponse. À titre d’exemple, si une rivière se trouve gravement polluée, l’AAPPMA locale pourra demander une indemnisation, sur un fondement civil, car le seul droit pénal ne le permettrait pas. Il s’agit donc de bien comprendre ce que chaque domaine du droit permet ou non.
Le droit civil
Le droit civil, c’est le droit à réparation d’un préjudice qui peut être subi par une association, une fédération, l’État, etc. La victime peut demander une réparation, uniquement financière, à son auteur, de manière à compenser ce préjudice. Si la population d’un plan d’eau est décimée, alors le propriétaire est fondé à demander une indemnisation correspondante à la valeur du poisson. Il pourra également solliciter le remboursement des sommes engagées pour remettre en état l’étang et le dépolluer. Le droit civil peut intervenir dans un premier temps pour faire constater judiciairement une pollution. Cependant, les délais sont assez longs, la pollution « risque » donc d’être passée au moment de la constatation judiciaire.
A posteriori
Dans un second temps, il peut être utilisé pour obtenir une indemnisation. Il n’a pas vocation à faire cesser le trouble puisque venant après celui-ci. Dans ce cas-là, il convient de chiffrer le préjudice. La tâche n’est pas aisée, il faut penser à tout : investissements réalisés pour dépolluer, comptabilisation et estimation du coût des poissons morts, temps passé pour remettre en état les lieux, frais divers engagés, frais de justice, etc. Vigilance également quant au montant demandé : au -delà de 10 000€ d’indemnisation réclamée, l’assistance d’un avocat est obligatoire pour plaider devant le tribunal judiciaire.
Le droit administratif
Vient ensuite le droit administratif qui, la plupart du temps, s’applique contre l’État, une commune, une collectivité publique, etc. Relèvent aussi du tribunal administratif les personnes morales de droit public, les établissements publics, la liste est longue et parfois difficile à cerner. Les adversaires potentiels pour lesquels le tribunal administratif doit être saisi sont disponibles sur le site du tribunal des conflits (voir encadré). Ainsi, si un préfet prend un arrêté visiblement dangereux pour l’environnement, la juridiction administrative peut être saisie afin de le contester. Cette juridiction n’est pas systématiquement compétente sur l’environnement. Même si le tribunal administratif intervient régulièrement concernant des questions environnementales, il n’en a pas le monopole. Ce tribunal peut être saisi en vue d’une décision rapide, souvent provisoire (référé) ou pour trancher le fond du litige, c’est-à-dire déterminer les responsabilités des uns et des autres ou annuler une décision. Ces deux procédures peuvent être mises en œuvre simultanément. Une association ou une fédération pourra donc contester un arrêté préfectoral ou une décision d’État devant ce tribunal. La procédure est gratuite et se fait via Télérecours, une plateforme dématérialisée mise en place par l’État, qui permet d’envoyer les documents et demandes au tribunal.
Le droit pénal
L’apparition récente d’outils de défense de l’environnement dans la procédure pénale n’est pas un hasard, cette problématique étant de plus en plus prise au sérieux par les politiques et les citoyens. Ce domaine est beaucoup plus contraignant à l’égard des auteurs. Ainsi, en 2020, un arrêt de la Cour de cassation est venu préciser que lorsqu’une pollution est constatée, le juge pénal peut faire cesser l’activité d’une entreprise, s’il considère que son activité est en lien avec la pollution, même si aucune faute n’a été commise. Cette décision donne une grande force à cette procédure. L’outil le plus efficace du droit pénal est fixé à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement. Cet article permet à un magistrat de faire cesser une activité qui serait en lien avec une pollution constatée. L’exploitation peut ne pas être fautive, on l’a vu, mais participer directement ou non à la pollution constatée. Cet article est critiquable d’un point de vue juridique car sa mise en œuvre suppose du provisoire ce qui, en matière pénale, est toujours délicat. Mais il s’avère excessivement efficace pour lutter contre toute forme de pollution. Pour faire usage de cet article, il convient d’informer le procureur de la République d’une pollution et de lui demander de saisir le juge des libertés de la détention afin de faire cesser le trouble. On comprend donc également que le trouble doit être en train de survenir. Pour faire appliquer ce texte, il convient de rapporter un maximum d’éléments prouvant la pollution : photographies, vidéos, témoignages, constatations de policiers, etc.
Des dossiers solides
Gardons tout de même à l’esprit que les infractions sont très nombreuses et submergent souvent le procureur de la République. Pour que l’action prévue au Code de l’environnement soit efficace, il faut rapporter des dossiers construits, solides et étayés au magistrat. On l’aura compris : le recours à tel ou tel domaine juridique dépend de la nature du trouble environnemental ou de la procédure envisagée. Il ne faut pas se tromper !
Le tribunal des conflits
Le tribunal des conflits est la juridiction qui précise devant quel juge –administratif, judiciaire (ex. tribunal de grande instance ou d’instance)– une affaire doit être évoquée. Cette juridiction ne siège qu’à Paris. Elle n’est saisie qu’exceptionnellement, s’il existe un débat sur la nature de l’affaire. En cas de doute, c’est dans les décisions passées qu’il faut fouiller pour savoir.