Dans son élément, il semble invulnérable mais ne vous y méprenez pas : chaleur, frictions, écrasements, tractions cervicales, eaux stagnantes peu oxygénées sont autant de pièges dangereux pour le silure qui vient de croiser votre chemin. Les petits sujets (au-dessous du mètre) sont rarement en danger. Capturés avec un matériel puissant, ils sont rapidement amenés au bateau. Les combats peuvent être abrégés par une mise à l’épuisette à maille caoutchouc.
Épuisette XXL
Pour le brochet ou le musky, nos amis québécois utilisent souvent une épuisette comme la Tournament Series 116’’ (StowMaster) équipée d’un filet géant (1 x 1,20 m). En Europe, on trouve de grandes épuisettes à brochet comme la W3 CR XXL (Westin), par exemple. Ces modèles sont pliants pour un encombrement plus ou moins limité. Un encombrement que j’accepte volontiers en compétition ou si j’accompagne des non-initiés car cet accessoire sécurise la prise et facilite les premières manipulations. Un bon moyen pour amener sécurité et assurance chez les plus jeunes car la prise en main, surtout mal assurée, peut être dangereuse pour le pêcheur comme un petit sujet, si vous ne souhaitez pas forcément immortaliser la prise par une photo, l’idéal est de le décrocher directement dans l’eau, avec une pince, en maintenant fermement le bas de ligne, sans le saisir.
Attention : hameçons
Pour réaliser une photo, et sans épuisette, àr partir du moment où l’armement est piqué au bord de gueule, je préfère saisir le poisson par l’ouïe. Avec des hameçons de taille n°2/0 à 3/0 et une mâchoire pas bien large, la main manque de place. La proximité des doigts avec ces hameçons est un danger majeur. Je glisse les doigts juste en arrière de l’ouïe, sans toucher les arcs branchiaux, en opposition ferme avec le pouce. Pour bien présenter le bébé à l’horizontale, la main côté tête peut aller chercher l’os pectoral. L’autre se place juste en arrière de l’anus, de manière à bien le soutenir. On évite ainsi que le ventre du poisson s’écrase sous son propre poids, ce qui pourrait générer des lésions internes. Cette prise sûre est aussi esthétique car les mains seront peu visibles sur la photo. Le cliché vite réalisé, le poisson est rapidement remis à l’eau, dans une zone courante et bien oxygénée.
Les gros pépères
Pour les individus plus gros, la tâche se complique. À partir de 1,80 m, il convient de faire preuve d’une grande prudence. Transbordement, déplacement, manipulation sont compliqués par le poids de l’animal et sa texture de peau, lisse et recouverte de mucus. Lorsqu’arrive l’été, les silures accumulent la fatigue et les stigmates du frai, dans les premières eaux chaudes aux débits ralentis et à la concentration en oxygène appauvrie. Pour la photo, il faut faire vite, et apporter un soin particulier dans chaque manipulation. En fin de combat, sans mise à l’épuisette possible, la prise en main est ici obligatoire. Le plus simple, cette fois, est de saisir la mâchoire inférieure, doigts à l’intérieur et pouce en opposition à l’extérieur, derrière la mâchoire comme une poignée de valise ! Cette position est la plus ergonomique pour protéger l’articulation du pouce au poignet. Engager le pouce à l’intérieur serait dangereux, une rotation du silure pouvant le briser. Les doigts à l’intérieur de la gueule, on peut accompagner plus facilement un mouvement de toupie du poisson par une rotation du poignet et du bras dans les deux sens.
Bien utile : le gant
Les dents des silures sont bien moins dangereuses que celles du brochet ou du sandre. Cependant, un gant (je préfère même un demi-gant) permet de protéger la peau des doigts du côté abrasif de cette dentition. La prise étant bien assurée, il faut avoir toujours cet automatisme : décrocher le poisson et immédiatement éloigner le montage armé, dans le bateau, ou mieux encore, deux mètres sous l’eau ! Là au moins, aucun risque de marcher dessus dans l’euphorie qui suit une belle capture. Le silure étant décroché, en bateau, l’embarquer en fin de combat est presque inéluctable, surtout sur un grand fleuve. Cette manipulation est risquée pour le poisson. Pour le hisser, choisissez l’endroit le plus bas du franc-bord tout en restant à bonne distance des taquets non amovibles. Le poids d’un gros spécimen peut rompre ses vertèbres cervicales si la traction est trop verticale et entièrement dirigée sur la mâchoire. Dès que possible, il faut qu’une main ou celles d’un équipier viennent soulager cette tension en s’apuyant sous l’os de la nageoire pectorale. Idéalement, le silure doit être accueilli à bord sur une bâche mouillée, protégeant aussi, si possible, du franc-bord.
Protéger le mucus
Cette bâche, toujours humidifiée voire détrempée au préalable, est absolument indispensable si l’on compte déplacer et photographier un gros silure hors de l’eau, ce que je ne conseille vraiment pas en période estivale. On peut ainsi maintenir le mucus du silure bien humide et le protéger des agressions terrestres: frottements, particules rugueuses, sable, cailloux, béton, etc. Poisson lisse dépourvu d’écaille, le silure est en effet entièrement protégé contre les maladies de peau et diverses bactéries par ce mucus. Oubliez toute velléité de transporter directement le poisson. À deux, pour transborder, transporter, débarquer ou remettre à l’eau un grand spécimen depuis l’embarcation, rien n’est plus sûr ni plus facile que d’utiliser cette bâche comme un brancard, en la saisissant aux quatre coins. Après avoir vérifié le bon alignement des pectorales dans la bâche, ces manipulations sont quasiment sans danger, le silure étant bien emmailloté et copieusement arrosé.
Faire très vite
Pour la photo de votre beau trophée, l’idéal est incontestablement de poser à ses côtés dans l’eau. Attention néanmoins, la pratique n’est pas toujours sans danger. En eau stagnante et chaude, l’oxygène dissout est rare aussi il est important de ne pas s’éterniser. Sur terre, afin d’éviter toute chute, l’idéal reste encore de le présenter simplement bien allongé sur une bâche que l’on prendra soin de laisser légèrement immergée si c’est possible. Dans tous les cas, abréger au maximum ces séances photos et toutes ces manipulations est une nécessité impérieuse, surtout en plein été, pour préserver la santé de nos adversaires préférés.
Relâcher dans de bonnes conditions
Au moment de la relâche, quelques dangers guettent encore le silure, notamment celui de l’asphyxie. Pour l’éviter, placez votre capture dans une veine d’eau courante, mâchoires vers l’amont. Avec un petit mouvement de va-et-vient, il est possible également d’optimiser la ventilation et l’oxygénation du poisson. Lorsque celui-ci vous semble reprendre un peu de vigueur et qu’il commence à onduler, c’est le bon moment pour le laisser regagner tranquillement son élément.
Note : les zones sensibles
Les arcs branchiaux : sièges de l’oxygénation sanguine, les arcs branchiaux permettent au silure de respirer et sont fortement vascularisés. Il est nécessaire de les protéger à tout prix, surtout si l’armement d’un leurre ou d’un montage s’est logé à proximité. En cas d’hémorragie, retirer l’armement avec une grande délicatesse, abandonner tout projet de photo et remettre immédiatement le poisson à l’eau pour favoriser une cicatrisation la plus rapide possible.
Les barbillons : les barbillons sont des organes multi-sensoriels majeurs pour les silures. À travers eux, ils peuvent sentir, toucher, goûter… Lors des manipulations et du décrochage, il faut toujours en prendre le plus grand soin, et particulièrement la paire mobile supérieure