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Gobie, perche-soleil.. que faire des espèces nuisibles ?

La perche arc-en-ciel, le poisson préféré des enfants auxquels on fait découvrir la pêche, est pourtant bel et bien considérée comme nuisible dans nos eaux. 

Crédit photo Laurent Madelon
La loi sur la biodiversité de 2016 a singulièrement obscurci les choses pour ce qui concerne toutes les espèces devant être considérées comme nuisibles. Entre introductions interdites et remises à l’eau ou destruction obligatoires, il y a de quoi s’y perdre ! Faisons un point sur la réglementation.

La très vaste notion de nuisible – un concept qui, en réalité, n’existe pas pour les poissons– recouvre en fait deux sous-notions : les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts en France et celles qui sont susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques. La première catégorie est dirigée envers les animaux vivants hors de l’eau, la seconde ne concernant que les poissons et êtres vivants aquatiques. Seule la seconde touche bien sûr directement le monde de la pêche.

Pour toute espèce déclarée comme étant indésirable, la remise à l’eau est interdite.
Crédit photo : Laurent Madelon

La liste européenne

Cette classification nationale a pour finalité de contrôler et de limiter la présence de certaines espèces dans nos eaux. Cette catégorisation est légale et doit être respectée sous peine de verbalisation. Mais s’y ajoute une autre liste, établie au niveau européen. On la connaît sous l’acronyme EEE (espèces exotiques envahissantes), des espèces invasives qu’il convient de surveiller. À ce jour, toutes les espèces y figurant ne sont pas nécessairement nuisibles au sens du droit français. Certains poissons (goujon de l’amour, goujon asiatique, etc.) sont absents dans notre droit. Cette liste permet en fait d’informer les pays membres de l’Union européenne sur les éventuels risques liés à certaines espèces. Des recherches sont menées dans plusieurs pays. S’agissant par exemple du silure, il est possible que les éléments de réponse attendus en France proviennent de travaux européens. Aujourd’hui encore, ce poisson n’est pas considéré de la même façon par tous et, selon la réponse scientifique, nous serons peut-être contraints ou non d’adapter notre réglementation.

Des recherches sont en cours actuellement, au niveau européen, en vue de préciser le statut du silure, que certains pêcheurs verraient bien déclaré comme espèce nuisible. À suivre…
Crédit photo : Laurent Madelon

Chat et calicoba

Aux termes de l’article R432-5 du Code de l’environnement, deux espèces de poissons sont à ce jour classées comme étant susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques au niveau national : le poisson-chat et la perche arc-en-ciel. En cas de prise, il est fait interdiction au pêcheur de les conserver vivantes. Cependant, depuis la loi Biodiversité de 2016, la remise à l’eau immédiate est permise et il n’est plus fait obligation aux pêcheurs de tuer ces poissons. Attention néanmoins aux enfants qui promèneraient ces poissons en vie dans des seaux. Même si une verbalisation est peu probable, il s’agit néanmoins d’une infraction. Aucun autre poisson ne fait partie de cette liste nationale mais certains préfets ont déclaré une ou plusieurs espèces supplémentaires comme étant nuisibles, l’amour en est un exemple. Cette décision préfectorale trouve son origine dans l’articulation d’un texte issu du Code de l’environnement et d’un arrêté de 1985. L’article L432-10 du Code de l’environnement prévoit en effet une amende de 9 000 € pour « le fait d’introduire sans autorisation dans les eaux mentionnées par le présent titre des poissons qui n’y sont pas représentés; la liste des espèces représentées est fixée par le ministre chargé de la pêche en eau douce ». L’arrêté en question, celui de 1985 donc, fixe un certain nombre d’espèces que l’on retrouve classiquement dans nos eaux. Pour certains préfets, ce texte a suffi pour déclarer nuisible l’amour. L’espèce, qui n’apparaissait pas dans cette liste, devenait en effet nuisible par le biais de cet article L432-10.

L’amour ne peut être introduit dans nos eaux mais n’est pas considéré comme nuisible. Le remettre à l’eau n’est donc pas une infraction.
Crédit photo : Laurent Madelon

Pas d'amour

Cependant, cette interprétation est discutable. En effet, le dernier alinéa de l’article L432-10 du Code de l’environnement apporte une précision capitale : « Le présent article ne s’applique pas à la remise à l’eau des poissons pêchés, lorsque celle-ci a lieu immédiatement après la capture et que les poissons concernés n’appartiennent pas à une espèce figurant sur la liste mentionnée au 1° de l’article L411-5 du présent code. » Or, sur la liste en question, issue du règlement (UE) n° 1143/2014, nulle trace de l’amour… Elle n’est donc pas plus concernée par cette exception d’exception. Reste donc la première partie de l’article, qui précise qu’un poisson, même absent de la liste de l’arrêté de 1985, peut être remis à l’eau si ceci est fait immédiatement après sa capture. Le préfet ne peut donc pas déclarer nuisible ce que bon lui semble : la loi ne le lui donne pas ce pouvoir. S’il est interdit d’introduire un amour dans nos eaux sans autorisation, le préfet ne peut pas déclarer nuisible ce poisson sur le seul fondement de l’article L432-10 du Code de l’environnement. Notons que, fondée sur un arrêté contestable, une verbalisation qui ferait suite à la remise à l’eau de ce poisson pourrait parfaitement être mise à mal devant un tribunal.

Quand la nature prend le pas sur la loi : les populations de poissons-chats semblent régresser d’elles-mêmes. 
Crédit photo : Laurent Madelon

Nuisible ou pas ?

Depuis l’arrêté du 2 mars 2023 portant mise à jour de la liste des espèces animales et végétales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, l’ameiurus mela (mieux connu sous le nom de poisson chat commun) figure désormais comme espèce exotique envahissante. Il n’est donc plus possible ni de le transporter vivant, ni de le relâcher. Même chose pour la perche arc-en-ciel : nuisible au sens de la loi française, elle est aussi classée EEE et doit donc être détruite immédiatement. En revanche, le poisson connu sous le nom de goujon de l’amour (Perccottus glenii), doit subir le même sort alors qu’il ne figure pourtant pas dans ce fameux article R432-5 !

Vif et nuisible

En dehors des diverses obligations qui imposent de détruire certaines espèces, le statut de nuisible prive aussi le pêcheur de se servir de certains poissons en tant que vifs. En effet, l’article R436-35 du Code de l’environnement interdit à tout pêcheur d’utiliser comme appât un poisson appartenant à une espèce considérée comme nuisible

C’était avant ....

En résumé, vous l’aurez compris, avant la loi Biodiversité, les choses étaient relativement simples : deux nuisibles devaient être détruits, un point c’est tout. La modification apportée en 2016 a profondément complexifié la situation, tant et si bien qu’il devient aujourd’hui difficile de savoir quel poisson est nuisible et lequel ne l’est pas. Et, même cette analyse étant faite, faut-il encore savoir si l’on doit obligatoirement ou pas détruire un poisson capturé. D’un autre côté, ces notions sont en perpétuelle évolution parce qu’elles dépendent de la présence ou de l’absence d’une espèce dans nos eaux. Complexité nécessaire ? Probablement, d’autant qu’il est exact que personne ne nous avait évoqué une réforme… simplificatrice !

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Biologie – Environnement

Magazine n°915 - août 2021

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