Bon… Et moi qui me plaignais le mois dernier du pénible mois de janvier que nous venions de vivre, je crois que nous sommes servis ! Que dire en effet de cette époque qui voit notre monde en grand danger. Tout ça à cause de la folie meurtrière d’un misérable pêcheur de brochet, menteur, mégalomane et paranoïaque, dont on se prend à souhaiter, c’est un sentiment assez rare, qu’il ne finisse pas sa vie tranquillement dans son lit. Comme nous tous, je suis bien entendu époustouflé par l’incroyable courage du peuple ukrainien, luttant pour ce bien si familier pour nous que nous en oublions parfois l’inestimable valeur: la liberté. Je crois que nous pouvons aussi être fiers de la solidarité dont font preuve les Français envers nos sœurs et frères ukrainiens. Applaudissons par exemple la belle initiative de la ville de Metz, où se trouve, rappelons-le, le siège de notre magazine, qui a mis en place l’accueil de nombreux réfugiés ayant fui le déluge de feu qui s’abat sur leur pays. À comparer avec les réactions de la municipalité de Saint-Jean-Cap-Ferrat, se plaignant aujourd’hui que l’absence des milliardaires et des touristes russes mette en danger les finances des agences immobilières et des commerçants locaux. On a la solidarité qu’on peut… Avançons l’idée que toutes ces luxueuses villas désertées dont ils sont si fiers puissent, dûment réquisitionnées, offrir de «beaux volumes» pour accueillir des familles ukrainiennes désemparées. Dans cet océan de malheur, où je disais le mois dernier que continuer de nager n’était pas une option, que faire d’autre ? Lire, écouter, voir, s’informer, aider, réfléchir, essayer de comprendre, ne jamais cesser d’espérer et, car il faut aussi décompresser, oublier quelques heures parfois la folie de la guerre. Pour beaucoup d’entre nous, le premier réflexe, bien sûr, sera d’aller à la pêche. Avec le temps, les ouvertures de la truite et du brochet se sont rapprochées dans notre calendrier. Désormais, c’est dès notre numéro d’avril que nous pouvons légitimement commencer à parler brochet ce qui, vous l’aurez compris, n’est pas pour nous déplaire. Je me souviens que jadis, sous la houlette exigeante mais toujours goguenarde de notre cher Daniel Maury, notre magazine avait lancé une grande enquête auprès de ses lecteurs. L’unique question posée – quel est votre poisson préféré ? – avait le mérite de l’extrême simplicité et le résultat, sans appel, eut celui de la parfaite limpidité : le brochet ! Un quart de siècle plus tard, sans qu’il soit besoin de réitérer cette interrogation, je sais que le constat n’a pas bougé d’un iota. Nous aimons tous les perches superbes, les black-bass bagarreurs, les sandres tatillons, les aspes nerveux et les chevesnes roublards mais le vrai chouchou, le préféré, la star de nos rivières, c’est encore et toujours ce sacré bon vieux brochet. Je serais bien en peine d’expliquer exactement pourquoi ? Il n’est pas le meilleur dans l’assiette, quoique ce critère ne soit plus déterminant de nos jours. Et il n’est pas le plus difficile à prendre non plus, les spécialistes du sandre le confirmeront. Beau poisson, nombreux sont les pêcheurs à estimer que la perche porte néanmoins de plus jolies robes ! Nous aurions pu conclure que c’étaient les tailles atteintes par certains spécimens qui justifiaient un tel engouement. Mais ce faisant, ces dernières années, l’expansion du silure, morphologiquement bien plus impressionnant, aurait dû bousculer cette hiérarchie. Il n’en a rien été. Le silure a comme on dit rencontré son public, il a ses aficionados, mais il n’a pas pris la première place au Panthéon des pêcheurs de carnassiers de notre pays, tant s’en faut. Cela tendrait à prouver que ce n’est pas parce qu’on est un gros lourdaud à petits yeux, venu en force de l’Est, qu’on peut imposer impunément sa loi n’importe où et à n’importe qui. Vive les brochets libres !
Magazines
Avril : l'édito de Pascal Bacoux
Le n°923 de La Pêche et les poissons est disponible chez votre marchand de journaux et dans notre boutique en ligne. Voici l'édito du rédacteur en chef, Pascal Bacoux.