Triste spectacle à la pisciculture des côtes de Champagne, à Vanault-les-Dames dans la Marne. L'exploitant, Jean-Marc Tillier, installé depuis 2009, ne peut que constater les dégâts ce jeudi 18 janvier 2024 : les gardons d'un étang de 7 hectares ont disparu, les carpes présentent de nombreuses blessures et ont une espérance de vie d'une semaine... Ses trois vidéos publiées sur Facebook nous ont interpellé.
L'étang était vidangé, les poissons près à être sortis aux filets étaient concentrés dans la fosse. Les cormorans se sont régalés. "Ils chassaient au fond, les poissons étaient rabattus sur les bordures, où attendaient les hérons et les aigrettes, explique Jean-Marc que nous avons joint au téléphone. Ca faisait ping-pong". L'exploitant avait empoissonné l'étang de 500 kg de poissons. Il a passé du temps à les nourrir, à les protéger. Un travail de longue haleine inutile : alors qu'il tablait sur une production de 1800 à 2000 kg, il n'a pris dans ses filets que 800 kg de survivants, dont la moitié dans un piteux état avec des "trous" causés par les becs des prédateurs.
"J'ai une dérogation de tirs bien sûr, avec une quarantaine d'oiseaux déjà tués depuis octobre. Mais je suis seul, je gère une trentaine d'étangs, je suis à un quart d'heure à vol d'oiseau du lac du Der où on compte chaque jour 15 à 16000 volatiles. Techniquement et économiquement, c'est impossible de mettre des filets et de passer ma vie au bord de l'étang. Il était gelé, il a dégelé deux fois quatre heures, deux après-midi, et les cormorans en ont profité". Huit heures seulement pour des dégâts considérables.
Crédit photo : Pisciculture Couturier sur Facebook
Pas de recours
Cette situation n'est pas nouvelle. C'est même monnaie courante. Il y a deux ans, Jean-Marc avait déjà publié des vidéos pour dénoncer le phénomène. Seul le journal local avait relayé son appel à l'aide. Un député habite pourtant dans son village... "Ca n'éveille aucune conscience autre que celle des pêcheurs ou des gestionnaires d'étangs, regrette notre témoin. Nous n'avons pas la possibilité de monter des dossiers en préfecture pour des indemnisations comme c'est le cas pour le moindre dégâte de sanglier ou des grues... Nous sommes une toute petite filière, on ne eprésente rien syndicalement parlant, on n'intéresse pas les politiques..."
Pourtant, tous les pisciculteurs constatent un nombre d'oiseaux en explosion. Sous les vidéos postées par Jean-Marc Tillier, le reponsable d'une pisciculture de l'Indre (Couturier) renchérit : "Cette année, nous n'avons jamais eu autant de cormorans sur nos étangs... des bandes de 300, 400 parfois 800 sur des plans d'eau de 30 Ha... où nous ne recoltons que des gros poissons : gardons, tanches et petits carnassiers absents... tous bouffés par les cormorans. Concrètement, pour cette saison 2023/2024 , c'est un préjudice de plus de 200 000 € pour notre pisciculture". Pour Jean-Marc, au-delà de l'aspect financier, ce sont trois ans de perdus. "On est en train de crever la gueule ouverte comme nos poissons. On est dans le même état", conclut le pisciculteur dans une vidéo.
