L’Argimsa (Association régionale de gestion des instituts médico-sociaux agricoles) est installée à Sillans-la-Cascade, dans le haut Var, dans un écrin de nature apaisant, entre champs, vignes et bois. C’est ici que nous ont accueillis Jean-Marc Calegari et ses élèves. Douze ans que cet éducateur technique de 52 ans l’a intégrée. « L’établissement comprend un institut médico-éducatif et un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, explique-t-il. Les jeunes, externes ou internes, sont âgés de 11 à 20 ans, parfois plus…» Jean-Marc, passionné de pêche, est un fidèle de La Pêche et les poissons. Dès qu’il en a l’occasion, il explore les rivières et les lacs du haut Var pour y pêcher truites et brochets. Passion qui l’a poussé à mettre à profit ses connaissances pour mettre sur pied un projet éducatif, convaincu que la pêche peut être un outil structurant pour des jeunes en situation parfois difficile.
Un réel intérêt
«La pêche demande concentration, patience, minutie. De fait, elle aide ces jeunes à s’apaiser et à se recentrer, précise Jean-Marc. L’intérêt thérapeutique et éducatif est bien réel !» Le but, c’est de redonner à ces jeunes le goût de l’apprentissage au travers d’activités ludiques car ils sont souvent en échec scolaire. Qu’ils acquièrent au fil du temps des compétences nécessaires à la poursuite de leur projet mais aussi une certaine forme de discipline: être à l’heure, en tenue, écouter les consignes, prendre des initiatives, vivre ensemble…
Travaux pratiques
L’atelier dirigé par Jean-Marc propose des activités aux garçons âgés de 11 à 15 ans, principalement les nouveaux élèves. Les sessions se déroulent par demi-journées et par groupe de 5 à 6 jeunes, du mardi au vendredi. L’éducateur travaille également avec un éducateur d’internat pour permettre un accompagnement plus individualisé sur les temps de pêche qui demandent un encadrement particulier, afin de canaliser au mieux l’énergie de ces jeunes en extérieur. Si la pêche demeure l’activité centrale, le fil conducteur de l’atelier, Jean-Marc tient à ce que ces jeunes approchent plusieurs domaines. Hors saison, place à une approche pédagogique de l’environnement: découverte des écosystèmes, identification des espèces de poissons, etc. Travail qui s’appuie sur la pratique, cela compte beaucoup pour Jean-Marc, avec notamment le nettoyage de rivière. C’est dans ce cadre que nous avons suivi ces jeunes, dans les environs de Barjols, sur les bords de l’Eau Salée, un petit affluent de l’Argens, qui abrite une population de truites sauvages. Jean-Marc rappelle que, jadis, cette rivière était très riche en poissons mais que la pollution y a fait beaucoup de dégâts.
Une carte pour chacun
«Il est important de transmettre cette passion aux enfants de l’institut, de les sensibiliser à la protection de l’environnement, rappelle-t-il. Lorsque la pêche est fermée, nous nous investissons dans le nettoyage des berges de rivières que nous aurons le plaisir de pêcher dans les semaines ou les mois qui suivent.» Pour la motivation des jeunes, Jean-Marc Calegari a pu mettre en place un partenariat avec Jean-Louis Bourelly, le président de l’AAPPMA l’Eau salée. En récompense de ce beau nettoyage et de l’entretien des berges, l’association de pêche offre à chacun sa carte de pêche annuelle. L’équipe, super motivée, arpente ainsi les berges deux heures durant, sacs-poubelles à la main, pour y récupérer les déchets jetés par les inconscients ou charriés par les eaux. Pour Jean-Marc, cette prise de conscience de l’importance de respecter la nature est primordiale. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux sont étonnés de trouver autant d’immondices sur les berges, surtout venant d’autres pêcheurs.
Enfin l'ouverture !
La majorité nettoie avec une grande application, n’hésitant pas à entrer dans l’eau pour ramasser détritus, pneus, ferraille, etc. La belle équipe a même eu la chance de participer à un documentaire pédagogique sur l’importance de l’eau, diffusé dans les collèges du département. Ces travaux pratiques se révèlent aussi excellents pour en apprendre encore un peu plus sur leur rivière, grâce au repérage des frayères ou à la recherche et à l’identification des poissons. Au cours de la saison, l’ouverture de la pêche en première catégorie marque un changement de programme attendu, on l’imagine, avec beaucoup d’impatience. Direction la rivière mais, cette fois-ci, canne en main. Jean-Marc profite des lâchers de poissons surdensitaires pour parfaire l’apprentissage.
Self-contrôle
«Les garçons développent au fil du temps certaines aptitudes par le biais de la pêche mais qui leur serviront dans leur vie future : patience, respect de la nature, technicité, travail d’équipe, concentration, souligne-t-il. La philosophie de la pêche est très bénéfique pour eux. Leur comportement change parfois du tout au tout.» C’est ce qui pousse Jean-Marc Calegari à continuer de faire évoluer cet atelier. À court terme, il facilite naturellement le travail qu’ils doivent effectuer sur eux-mêmes pour mieux contrôler leurs accès de colère, comme lorsqu’ils cassent leur ligne ou ont du mal à finaliser un nœud. Même chose pour accepter la frustration quand un collègue attrape un poisson et pas eux… «Ces enfants sont hyper-sensibles, et certains sont devenus de vrais passionnés, rappelle l’éducateur. Leur progression dans la pêche passe obligatoirement par une bonne gestion de leurs émotions.»
Objectif mer
Lorsqu’ils ne sont pas en train de titiller truite, chevesne ou brochet, Jean-Marc et ses élèves restent à l’institut pour des travaux encadrés. Ils confectionnent des leurres, apprennent à monter des lignes et des hameçons, à faire des nœuds, se familiarisent avec le matériel de pêche, en vue des prochaines sorties. Pour les saisons futures, Jean-Marc Calegari a pour projet d’intégrer la pêche en mer au programme, des visites d’aquarium et aussi d’organiser un camp de pêche avec les plus mordus. Avec tout ça, une chose est bien certaine : les jeunes de l’établissement varois vont vite devenir de redoutables cracks à la pêche !
Du beau monde
Cette année, après le traditionnel et très méticuleux nettoyage de l’Eau salée, il y avait du beau monde pour la remise des cartes de pêche. En plus des élèves, des éducateurs et du président de l’AAPPMA locale, le président de la fédération de pêche du Var, Louis Fonticelli, des journalistes de Var-Matin ainsi que des membres de l’équipe Decathlon, qui soutient le projet, avaient eux décidé de faire le déplacement.